Au sommaire :
» Introduction
» Origine de la prévôté
» Jumièges
» Rattachement à l'abbaye de Saint Vaast d'Arras
» Recette et dépense de la prévôté
» Un bien convoité
» Le plan d'Haspres de 1759
» Les batiments de la prévôté
» Le rôle du prévôt
» La révolution
» Le trésor des moines
» La prévôté de nos jours
Haspres possède un riche passé historique qui remonte à la nuit des temps. En effet des découvertes préhistoriques telles que des ateliers de taille de silex ont été retrouvés à Haspres et aux alentours. Des traces de l'occupation gallo romaine ont également été retrouvées à l'occasion de fouilles menées au début du XXe siècle par Charles Laurent (archéologue et historien). Une collection d'objets datant de l'époque romaine a alors été recueillis : epingles en or, vases, poteries, armes, pièces de monnaie, etc.... Ces trouvailles ont été exposées au musée de Valenciennes. Bien qu'ayant survécus aux bombardements de la première guerre mondiale, ces objets disparurent lors de la seconde guerre mondiale. Des vestiges d'un camp gallo romain sont d'ailleurs encore visible sur le site des hautes frêtes situé sur le chemin de terre conduisant à Noyelles sur Selle.
Un DIVERTICULUM sorte de route départementale, qui partait de Famars passait par Maing, Monchaux et Haspres rejoignait la chaussée BRUNEHAUT à Villers en Cauchie (Villers en Chaussée).
La célébrité du nom Haspres est surtout liée à la présence des reliques de Saint Hugues et Saint Achaire. Malheureusement sa situation géographique au carrefour des principales routes du canton, fera que Haspres sera également maintes fois cité dans des récits de batailles, d'invasions, d'incendies et de pillages.
En 1191 le nom de franche ville (*) d'Haspres apparaît sur la charte de Bauduin comte de Flandres et du Hainaut.
Les gravures du Duc de Croy sont trés riches en renseignement lorsque l'on y regarde les détails. Sur certaines y figurent les anciennes armoiries de la prévôté "D'or à trois chevrons de sable"
(*) Une ville franche était libre de ses décisions.
Abbaye ou Prévôté ?
On doit dire "Prévôté" et non "Abbaye", parce que c'était un prévôt qui dirigait le monastère d'Haspres sous l'autorité de l'abbé de Saint Vaast d'Arras.
Fondation de la prévôté
Les historiens et autres chroniqueurs ne s’entendent pas sur la date de fondation de la prévôté d’Haspres. Et pour cause, en l'absence d'un acte authentique, ils se recopient l'un l'autre donnant à la prosperité beaucoup d'inexactitude et d'incertitude.
Jacques de Guyse (1340 - 1399)
D’autres, comme Jacques de Guyse, Aubert Lemire, Ferreoli Locrii, Gazet, puis le Carpentier placent la fondation sous Pépin d’Héristal, maire du palais d’Austrasie après sa victoire en l’an 692 (la bataille s'est déroulée en 687) sur Thierri (III), roi de France (Neustrie et Bourgogne) pour des religieux (de l’ordre de Saint Benoit), qu’il tira du monastère de Jumièges (diocèse de Rouen).
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Gazet, curé de la Magdelaine, secrétaire du chapitre de Saint Vaast dans son histoire ecclésiastique des Pays Bas | |
La prévôté d'Hâspres, fut premièrement fondée par Pépin, grand Maire d'Austrasie; les autres disent Duc D'Austrasie et Duc de Brabant, pour action de grâce de la victoire qu'il obtint contre le Roi Théodoric : & y mit des moines de l'abbayes de Jumièges, située près de Rouen, en France, de l'ordre de Saint Benoit, environ l'an 692. De sorte qu'elle a été annexée à la dite abbaye de Jumièges, jusques à l'an 1024. Que lors par échange, vint en la juridiction de l'abbaye de Saint Vaast d'Arras, de même ordre, placé sous l'abbé Leduin & de Gérard, évêque de Cambrai, à cause que les moines de ce lieu étant si éloignés de leurs abbés, ils n'observaient la règle et discipline monastique. Elle est encore prévôté dépendante de la dite abbaye, en laquelle reposent les saintes reliques de Saint Achaire, abbé de Jumièges, Evêque de Rouen. | |
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MIRAEUS (Aubertus Miraeus 1573 - 1640)
Aubert Le Mire (biographe Belge), dans son ouvrage Opéra Diplomatica, ne dit pas un mot sur la date de cette fondation.
Simon Le Boucq (1591 - 1657)
Le chroniqueur Valenciennois Simon Le Boucq attribue le bénéfice de la prévôté d'Haspres à Pépin le Bref en l’an 760.
Au moment ou il fut proclamé roi Carloman ayant résigné le gouvernement de l'autrasie à son père Pépin, iceluy pour ses belles qualitez ayant fait assembler les états de France en la ville de Soissons, il y fut proclamé roy, à raison de la fainéantise du roy Childéric, lequel n'avait au moins cognaissance des affaires du royaume, et pourqoui on le mit dans un cloistre pour y finir ses jours, ce que le Pape Zacharie comfirma, et ensuite de ce, Saint Boniface, son légat, l'ognoit roy dans Soissons. Ce roy Pépin, en action de grâce qu'il estoit parvenu à la royauté, fonda la prieuré de Haspres l'an 760 et le soumit au monastère de Jumièges.
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Une bataille décisive : Tertry | |
En 687, Berchaire (maire du palais en Neustrie) affronte à Tertry Pépin II (qui prend le titre de Duc des Austrasiens), neveu de Grimoald. Berchaire est battu par Pépin. | |
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(1) Austrasie : Royaume oriental de la gaule française (511-771) dont la capitale était Metz. Rivale de la Neustire, elle fut le berceau de la dynastie Carolingienne.
(2) Pépin premier, dit Pépin l'ancien (580-640) : maire du palais d'Austrasie sous Clotaire II, Dagobert Ier. Il aura un petit fils Pépin le Jeune dit de Herstal (640-714), maire du palais d'Austrasie en 680 père de Charles Martel qui lui même donnera la vie à Pépin le Bref (dit le court).
D'autres auteurs (Baldéric, Molanus, Mabillon, Sainte Marthe, les Bollandistes), plus sages et plus réservés se contentent de rapporter ce qui est certain. L'origine de la prévôté est due au transport des reliques de Saint Hugues et Saint Achaire à Haspres par les religieux de Jumièges vers 841.
Baudri
Baudri, évêque de Noyon et de Tournai, auteur de la chronique de Cambrai et d'Arras au onzième siècle, dit qu'il est incertain si le village (villa) de Haspres appartenait d'avance au monastère de Jumiège ou su ce fut lors de la translation des corps de Saint Aycadre et Hugues du monastère de Jumiège à Haspres, translation occasionné par les ravages des Normands (885 à 927), que ce lieu fut donné à ce monastère, soit par le Roi, soit par quelques Seigneurs pour servir de retraite aux corps des saints.
Baldéric
Dans sa Chronique d'Arras et de Cambrai, Baldéric analyste du XI° Siècle, donne divers détails sur Haspres :
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Lorsque les Normands, sous la conduite du tyran devastateur Roi, leur chef, exerçaient leurs cruautés dans le royaume, comme ils l'avaient fait ailleurs, et, pour faire expier leurs péchés aux Chrétiens, incendiaient ça et là les églises des saints. Les corps de Saint Achard et de Saint Hugues furent apportés de l'abbaye de Jumièges, située sur la Seine, non loin de Rouen au village d'Haspres, et furent ainsi soustraits à cette terrible tempête. | |
On ne sait si le village faisait auparavant partie des dépendances de l'abbaye de Jumièges, ou bien si à cette époque, le roi ou quelques autre prince, pour le salut de son âme, le consacra à servir de retraite aux corps des saints. Le bien heureux Achard, nommé abbé par Saint Philibert, lui même abbé très distingué de ce même cloître, administrait son sacré troupeau et se faisait remarquer par la pureté de ses moeurs et l'éclat de ses vertus. Enflammé par ses pieux entretiens, et cédant à une inspiration du ciel, le saint homme du seigneur Hugues, évêque de Rouen, et fils du roi Karlemann, renonça au gouvernement épiscopal et à tous les soins du siècle. Brûlant du désir d'embrasser la vie et les usages monastiques, il prit pour modèle les moeurs de son saints patron, et s'illustra par la perfection de toutes les vertus. | |
Du reste, on pourra voir clairement, en lisant leur vie, quels furent ces deux saints personnages. Leurs corps demeurèrent depuis lors au village d'Haspres; on y fonda une abbaye et on y envoya des moines. Dieu dans sa bonté et sa miséricorde, a daigné opérer, à la gloire de ces saints, des prodiges si nombreux et si éclatants, que jusqu'aujourd'hui, aucun des princes voisins ou de ceux que leurs expéditions amènent en ce lieu n'ose en exiger la moindre contribution. L'abbé se trouvait à une longue distance de ce troupeau et, à cause de cet éloignement, ne visitait que rarement les moines. La prévôté d'Hâspres, fut premièrement fondée par Pépin, grand Maire d'Austrasie; les autres disent Duc D'Austrasie et Duc de Brabant, pour action de grâce de la victoire qu'il obtint contre le Roi Théodoric : & y mit des moines de l'abbayes de Jumièges, située près de Rouen, en France, de l'ordre de Saint Benoit, environ l'an 692. De sorte qu'elle a été annexée à la dite abbaye de Jumièges, jusques à l'an 1024. Que lors par échange, vint en la juridiction de l'abbaye de Saint Vaast d'Arras, de même ordre, placé sous l'abbé Leduin & de Gérard, évêque de Cambrai, à cause que les moines de ce lieu étant si éloignés de leurs abbés, ils n'observaient la règle et discipline monastique. Elle est encore prévôté dépendante de la dite abbaye, en laquelle reposent les saintes reliques de Saint Achaire, abbé de Jumièges, Evêque de Rouen. | |
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Baldéric fait remarquer que les moines d'Haspres suivirent les moeurs du siècle jusqu'au temps ou, par une visite de l'évêque Gérard, l'abbé trop éloigné de ses subordonnés, fut énergiquement invité, s'il se trouvait quelque possession dépendante de St Vaast d'Arras dans le monastère de Jumièges, à faire un échange et à porter dans la nouvelle habitation des moines la réforme qui s'imposait.
1024 ou 1044, Villa Hasprum en échange du domaine d'Angicourt :
Encore une erreur qu'il faut ici signaler sur la date exacte de l'échange. En fonction des auteurs, nous trouvons la date de l'échange entre les reliqieux de Jumièges et Saint Vaast en 1024 ou 1044. L'échange eu lieu en l'an 1024.
Les supérieurs de Jumièges jugaient que la prévôté d'Haspres était trop éloignée de leur monastère. Cette distance limitait la fréquence des visites, et en diminuait l'autorité exercée.
Gerard evêque de Cambrai fut alors sollicité pour négocier un échange entre les religieux de St Vaast et ceux de Jumièges. Un accord fut trouvé vers 1024 entre l'abbé Leduin de St Vaast et l'abbé Théodoricque de Jumièges. Cet accord fut rattifié et confirmé par le Saint père Benoist VIII. L'abbé Leduin fut restaurateur des batiments de l'église et de la demeure des moines. Il sut prendre les bonnes dispositions pour imposer la discipline nécessaire aux exercices spirituels des religieux.
Monsieur Gustave LEJEAL ajoute, que la visiste des monastères de la région par l'évêque Gérard démontra que la discipline était complétement oubliée. Cependant grâce aux réformes apportées par le clergé supérieur, il affirme qu'à la fin du XI° Siècle la doctrine catholique et la religion de St Benoit régna sur l'église du Hainaut.
Jean François LEMARIGNIER - Léon VOET
Un peu plus récemment un article de Jean François LEMARIGNIER parut dans la revue du Nord, évoque les travaux de M. Léon VOET (assistant à l'Université de Gand) publiés en 1945. Celui ci a entrepris l'étude de deux bulles du pape Benoit VIII pour Saint Vaast D'Arras. Les deux bulles proviennent du cartulaire(*) de l'abbaye de St Vaast d'Arras rédigé au XII° siècle par GUIMANN entre 1170 et 1192. En 1023 ou 1024 les moines de Saint Vaast ont acquis la Cella d'Haspres par échange avec les moines de l'abbaye normande de Jumièges auxquels ils ont abandonné le domaine d'Angicourt, en Beauvaisis. Haspres était un monastère datant de l'époque Mérovingienne. Haspres sera toujours soumis à l'abbé de St Vaast et n'aura jamais d'abbé particulier (d'abbas propius) mais sera administré par des prévôts, prépositi de l'abbaye d'Arras. .... hunc itaque locum .... constituimus semper subjectum for abbati monasterii beati Vedasti, propriumque abbatem nisi ipsum nullo modo habere, sed per prepositos suos omni tempore locum ipsum administrari. Le 13 mai 1107 la posséssion de l'église d'Haspres est confirmé aux moines de St Vaast de l'ancienne obédience par Pascal II. En 1109 la réforme clunisienne est introduite à St Vaast, certains moines de l'ancienne obédience veulent échapper à la réforme; ils vont à Rome demander au Pape que la cella d'Haspres leur soit réservée, qu'elle soit affranchie de toute domination clusienne et gouverné par un abbé choisi parmi eux. Le Pape refuse et oblige la soumission. De là va naître un conflit opposant les centralisateurs clunisiens et particularistes bénédictins.
(*) Cartulaire : registre de l'église.
L'histoire de l'Abbaye Royale de Saint Pierre de Jumièges nous apprend ceci :
Thierry (vingt sixième abbé), uniquement occupé du succès des études et du progrès de ses frères dans la discipline monastique, fit trop peu d'attention aux moeurs déréglées de quelques religieux du prieuré d'Haspres, dépendant de son monastère. Gérard, évêque d'Arras, l'avoit souvent averti de ce qui se passoit, mais le pieux abbé, que la longueur du voiage rebutoit, usa de tant de délais que l'évêque perdit patience et résolut de faire lui même ce qu'il n'avoit pu obtenir par ses remontrances. Il prit avec lui l'abbé de Saint Vaast, et le mena au prieuré d'Haspres, sous pretexte de l'accompagner dans la visite de l'église paroissiale. Ils decendirent au prieuré, et le prélat, y ayant trouvé de nouveaux sujets de mécontentement, il proposa à l'abbé de Saint Vaast d'accepter cette maison et d'y mettre des religieux dont la vie et les exemples pussent être utiles au public. L'abbé, qui étoit témoin du peu d'édification que le public recevoit de ceux qui y étoient pour lors, promit de se charger de leur conduite et de céder à l'abbaye de Jumièges en contre change la terre d'Anglicourt en Beauvaisis. L'évêque ne fut pas plustot de retour à Arras qu'il écrivit à l'abbé de Jumièges pour lui faire part de son projet, le menaçant de chasser ses moines, s'il ne prenoit ce parti, qu'il croioit seul convenable dans ces circonstances.
Ajoutons que l'abbaye de Saint Vaast d'Arras, possède de nombreuses prévôtés dont voici les principales : la première et la plus considérable étant celle d'Haspres, la seconde est celle de Berclau, la troisième est celle de Gorre.
Le prix définitif de l'acquisition fut deux bras des Saints et cent livres d'argent.
Abbé Hossart :
Dés lors la reprise de la prieuré d'Haspres par les moines de l'abbaye de Saint Vaast provoqua la restauration de la discipline ainsi que l'usage des règles fixées dans les monastères. Celà ne se fit pas sans résistance, l'échange eu tout de même lieu et le village fut mis à disposition de l'abbé Leduin.
L'abbé Hossart est l'auteur d'un livre : "Histoire ecclésiastique et profane du Hainaut - Mons 1792"
La prévôté d'Haspres est à la tête d'un puissant décanat, lui permettant de tirer l'essentiel de ses recettes. Il faut y ajouter les baux du bénéfice de la collation de Saint Vaast d'Arras.
Parmi les dépenses, le dossier 15H7, contient plusieurs reçus indiquant le montant et la nature des traitements réglés par le prévôt au personnel religieux. Nous y trouvons également quelques papiers concernant sa contribution aux impositions du Roi (canal de Bourgogne et route de communication de l'entre Sambre et Meuse).
Au fil des siècles (et des procès) la prévôté est convoitée par la cupidité de certains ecclésiastiques. Ainsi l'abbé de Saint Vaast doit défendre son bénéfice, comme un bien révocable à son gré et non comme un bien de fondation royale.
En 1308, un procés oppose l'abbé de Saint Vaast à Thierry de Suisac, religieux de Saint Jean de Laon, qui fait passer la prévôté d'Haspres comme un bénéfice dignitaire.
En 1426, une bulle du pape adressée à l'abbé de Saint Vaast stipule que la prévôté est octroyée au cardinal de Rouen. L'abbé fait savoir qu'il aimerait bien complaire au cardinal, mais indique que la prévôté est un office révocable à sa volonté et qu'il ne désire pas le consentir.
En 1437, l'abbaye doit de nouveau défendre son droit contre Lucius Conti, cardinal-diacre au titre de Sainte Marie in Cosmedin, qui avait obtenu en cour de Rome la collation (désigne un acte juridique qui attribue un bénéfice ecclésiastique) de la prévôté d'Haspres.
En 1452, la prévôté est opposée au prévôt de l'église de Liège, prélat de la cours de Rome, qui prétend avoir obtenu la collation de l'abbaye.
En 1537, la reine Marie de Hongrie, manifeste son désir que la prévôté d'Haspres soit concédée à l'archevêque de Cambrai, sous pretexte qu'étant proche de Cambrai, l'évêque pourra mieux que tout autre la préserver des "foules et exploitz de guerre".
L'assemblée capitulaire de 1754 rappelle que les prévôtés sont des offices muables et révocables et nullement sujets aux provisions de la cour de Rome.
Le pain d'Abbé : Le Roi ne charge point de Pain d'Abbé, les Prieurés, ou Prévôtés, étant membres dépendantes de quelques Abbaye.
Un privilège du Roi était de pouvoir placer, tout homme impotent, pauvre, empêché de veillesse, caducité, mutilation recue à la guerre ou ailleurs, en une abbaye, pour être nourri et entretenu comme un religieux sur les revenus de la dite Abbaye.
A plusieurs reprises, les abbés et religieux de Saint Vaast s'y opposérent, sur les fondements que l'on ne peut assujettir à ces pains d'abbé, les biens des abbayes administrées par des religieux comptables, sous la qualité de prévôt ou prieur, par la raison que ces biens ne sont qu'un gros avec les autres de l'abbaye.
De plus ajoutèrent ils, la prévôté d'Haspres, n'est pas un bénéfice de fondation royale, ni à la nomination du Roi.
Un document important qu'il faut à présent citer est une brochure recueilli par les historiens Th.Louise et E.Auger intitulée "LA VILLE FRANCHE ET PREVOTE D'HASPRES (692-1794)". Ce document fait référence à un plan d'Haspres dressé, ou plutôt renouvelé en 1759 "par les ordres de vénérable et discrète personne DOM André LEQUIN, religieux de l'abbaye royale de St Vaast d'Arras et révérend prévôt et administrat de l'église et prévôté d'Haspres". A noter que le plan original date de 1619.
Ernest Auger, archiviste, et magistrat, né à Cognac le 11 décembre 1829. Il sort de l'école des chartes le 16 novembre 1852 avec une thèse sur le régime des biens entre époux en Gaule. Il entre dans la magistrature et devient procureur de la µRépublique au Havre et à Lille, puis procureur général à Angers en 1879 et conseiller à la cour de cassation en 1883. Il meurt à Paris le 26 mai 1888. Décoré de la légion d"honneur.
La technologie faisant des merveilles et internet aidant à cela, le plan mentionné appelé "TERRIER D'HASPRES" est accéssible ici. Félicitons l'auteur du site pour sa qualité de réalisation ainsi que la qualité des informations présentée, un joyau pour les amateurs d'histoires (et surtout celle d'Haspres). L'observation minutieuse de ce terrier dressé par Joseph de Castille (arpenteur du parlement de Flandre) nous apportes de précieux renseignements sur l'état de la prévôté à cette époque.
L'enclos :
La prévôté est le centre du village. Elle est entourée par la rivière la Selle, protégée par de hautes murailles et un grand fossé.
Se trouve à proximité : l'église, le cimetière (actuelle mairie), l'école des filles (à ne pas confondre avec l'actuel club du temps libre, cette école se trouvait a peu près au niveau de l'actuel monument aux morts), l'hôtel de ville, ainsi qu'une brasserie (Jean Noël Porte) attenante à l'actuel pont de ciment. Le terrain situé entre les batiments et les deux bras de Selle (dont un est artificiel), servait de jardin et de paturage.
Deux étangs figurent sur le plan, ceux ci servaient peut être à l'élevage de poisson. De cette partie de terrain, les moines traversaient un petit coulant d'eau pour se rendre sur un immense terrain boisé (appelé aujourd'hui le pré). Les moines entretenaient sur ce terrain du bois de raspe (taillis et futaie) destiné au chauffage de la prévôté.
Description de Dom *** religieux de St Vaast - 1628
Laissons parler (en vieux français) ce religieux qui nous peint ici un portrait de la ville d'Haspres vers 1630 : Haspres est tenue et appelée franche ville entre aultres du Comté de Haynault, d'auttant qu'il si faist marchez chascune semaine, si publient les placards et autres droittz qui luy sont communs avec les villes dudict Haynault, combien que pour le présent elle soit desnuée de forteresses, et remparts dont restent quelques tranchées du Costé de Cambray, mais comme la rivière de Sel qui prend son origine au Chasteau en Cambrésis arrivant audict Haspres se sépare en deux branches et enclos par forme d'ille la plupart de la ditte ville elle luy sert de rempars et de munition naturelle. L'assiette en est ainsi embellie et le lieu accommodé des eaux nécessaires tant pour le molin que pour aultres commodités des habitans. Son terroir consiste en campaignes de médiocre bontée, assez plattes et unies, les collinnes qui se trouvent estantes aisées et s'élevant si doucement qu'elles ne doivent estre réputées pour montaignes. Pourquoy n'y a raison de croire que ce lieu ayt estée appellée Haspres ou bien comme d'austres estiment Aspre ab asperitate et difficultate bien que anciennement les parties des Ardennes et forests carbonniers dont en restent quelques portions et les vallons aucunement rudes en certains endroictz en pourroient avoir donnée quelque occasion."
Un plan de la prévôté :
Superbe plan figuratif des bâtiments de la prévôté établi en juillet 1800 des suites du litige opposant le Sieur Richard à la municipalité d'Haspres.
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A Désigne l’église, la chapelle et la sacristie des moines B Désigne l’église de la commune, celle C la sacristie de la dite commune D Désigne une cour ou était ci devant l’ancien clocher des moines appartenant au citoyen Richard E Désigne la cour de la sacristie des moines appartenant au citoyen Richard F Désigne le clocher des moines conservé à l’acquéreur (on y voit très bien l’escalier en colimaçon) G Désigne la cour du clocher des moines appartenant au citoyen Richard H et J Désigne le bâtiment du citoyen Richard et l’entrée du clocher des moines K Désigne l’entrée de l’église de la commune L Désigne une cour au citoyen Richard M Désigne le cloitre au citoyen Richard N et O Désigne la maison commune P Désigne l’entrée de la cour Q Désigne jardin, pâture et cour R Désigne l’entrée d’une cave sous l’église des moines | |
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Le donjon :
Les deux miniatures peintes par le Duc de Croy, montrent sur la droite une imposante bâtisse flanquée de quatre tours coiffées de poivrière. C'est probablement vers 1050 que l'on élève cette grosse tour carrée, sorte de donjon qui défendait l'entrée de l'abbaye et qui servait de refuge aux moines au moment des invasions. C'est dans ce donjon que se refugie le prévôt Guillaume Caullier en 1509.
Après la révolution, le donjon est utilisé comme salle de réunion du conseil municipal. Après Waterloo, il est démoli afin de construire une caserne destinée au logement des troupes d'occupation Russe. Cette caserne deviendra plus tard l'école des filles.
Depuis l'intérieur de l'école des filles, à la base du pignon du côté de l'abbaye, se voit encore l'entrée de la grosse tour.
Un plan dressé en 1809 par DELEAU, nous donne une représentation de la grosse tour. Il est noté H Plan du Rez de chaussée d'un batiment flanqué de tourelles, destiné pour le logement du garde champêtre. J Plan de l'étage au dessus du Rez de chaussée où on se propose d'établir la salle des séances de la mairie, et du conseil municipal. Les tourelles serviront de sert papier. K Salle des séances de la mairie, en très mauvais état.
Les biens appartenant à la prévôté :
Le plan mentionne un moulin à moudre le blé appartenant à la prévôté. Ce moulin existe encore de nos jours, dépourvu de sa roue il est aménagé en de confortables appartements. Les batiments situés dans la cour du moulin font offices de logement du meunier. Ces batiments appartiennent également à la prévôté. Figure place des chesnes (actuelle place de la liberté) le presbytère.
L'ile est reliée au reste du village par deux ponts ou passages : le pont du moulin au blé (aujourd'hui le pont de ciment), l'autre appelé pont Bequerel ou pont du tordoir.
Il est facile de constater qu'a cette époque pratiquement toutes les terres appartiennent à la prévôté, citons ici : La couture, le champ cornu, les Ecroyelles, le paissy, le colombier, etc..
Ces terres sont exploitées par de grosses fermes appellées CENSE, également propriétés de la prévôté :
» La cense de Maugré - Route de Valenciennes, aujourd'hui le plus vieux batiment du village !
» La cense de Jauray - Près du pont du tordoir
» La cense de Bongré
» La cense de Fleury - Près du hameau du Fleury
Employés à la prévôté :
La prévôté est le coeur économique du village, elle fait vivre de nombreux villageois, dont certains sont "employé de la prévôté" (src RELEVES AGFH) :
- Marie Catherine BARBIEU, servante à la prévôté
- Charles CHARLET, cocher à la prévôté
- Pierre DELSART, cocher à la prévôté
- Pierre HAVEZ, jardinier à la prévôté
- Marie Claire LEDUC, le père François MANARD ci devant cavier de la prévôté
- Hugues MERCIE, cavier de la prévôté
- Pierre MEREAU, ancien garde de la prévôté
- Antoine MORELLE, portier de la prévôté
- BLARY, valet d'écurie de la prévôté
- BRISSI, portier à la prévôté
Le prévôt (praepositus) d'Haspres joue le rôle de seigneur du village. Il est membre des états du hainauts. Au XI° Siècle lorsque la prévôté d'Haspres est rattachée à l'abbaye Royale de St Vaast d'Arras, les moines créent une petite colonie agricole très prospère. Les hommes de travail sont soumis aux lois des religieux. Le prévôt nommé et révocable par l'Abbé de Saint Vaast, a une place très importante dans l'administration de sa communauté et donc du village. C'est lui qui tient les comptes. Le prévôt a obligation de se rendre à Arras lors des fêtes de Saint Vaast, Noël et Pâques. C'est lui qui sous la tutelle du grand prieur fixe le prix des grains à vendre et passe les baux.
Le prévôt personnage autoritaire est le garant des relations entre les hommes et la prévôté, c'est lui qui porte les jugements en cas de conflit. Chaque année, il y a trois assemblées générales pour traiter de ce sujet. Des punitions sont alors affligées en cas de "rebellion contre les échevins". Le jugement est alors rendu aux porches de l'église.
Nomination du prévôt :
Un droit de relief ou de rachat est institué par les seigneurs suzerains à la nomination de chaque prévôt. Quand les fiefs devinrent héréditaires, leur propriété passa au possesseur, et les seigneurs suzerains perdirent alors la liberté d'en disposer. Pour s'en dédommager, ils établirent à chaque changement de possesseur un droit appelé de relief ou de rachat. Chaque prévôt d'Haspres, en entrant en charge, était tenu d'acquitter ce droit qui s'élevait à un marc le franc. Il recevait ensuite l'investiture en un acte authentique, délivré le plus souvent sur parchemin. Cet acte portait aussi le nom de relief.
La série B côte 12.110 nous livre quelques uns de ces actes de rachats.
Registre des reliefs - 1635
Pardevant Moneigneur le comte de Bucquoy, le grand bailly d'Hainaut, est comparu personnellement Dom Christophe Carete, prévot de l'église d'Haspres, et à l'endroit fit dire et remontrer comme par le trépas de feu Dom Jean Dupire, son predecesseur, lui seroit comme prevôt du dit Haspres, dévolu un fief liege tenu de sa majesté à cause de son dit pays, comté du Hainaut et cour de Mons, nommé la prévosté le Comte audit Haspres qui se comprend au tiers des lois, et amendes de sangs et burine jugées par les échevins de la ditte ville.
Item, doit il avoir entièrement les choses du larron qui d'ailleurs apporteroit en la ditte ville aucune forfaitures pour larcin.
Item, en trois plaids généraux en l'an si comme au Noël, Pasques et Saint Jean.
Item, en la création de Sergent et lieutenant qui ont pouvoir de prendre et arrester et parmi tant le dit prévost le comte est tenu de faire exécuter et accomplir à ses coust et frais les exécutions de justice en cas criminels qui par jugement des dits echevins escheront à faire en la ditte ville de Haspres.
Item, doit au coust et frais d'icelle ville mener et conduire les habitants de Haspres toutes et quantes fois qu'ils vont en oste, et en armées au service du Prince dedans les termes de la comté soit pour la défense de sa terre, ou pour contester à ceux qui lui seroient rebelles, et avec ce se comprend en autres parties, lequel fief fut acquis par Dom Jean De Laÿens du consentement du Duc Guillaume à subjection de servir le dit fief, et estre aux plaix en la cour à Mons et de satisafaire au Comte de Hainaut à la création et entrée du prévost de la dite église un marcq de fin argent ou la valeur et pareillement toutes et quantes fois qu'il y auroit nouveau prevost par quelconque manière que ce fut, ou puisse après laquelle remontrance il a requis estre recu au relief, ce que fait a esté prenant de lui le serment de fidélité, avec en jonction d'en rapporter les dénombrements en dedans quarante jours, sans préjudice neanmoins à la faulte de relief au droit de sa majesté et présent comme hommes de fiefs Georges Corduanier, greffier de la ville de Hal, Nicolas Hennekinne, greffier féodal, Philes Frsneau et Pierre Courbet à Mons le 28 mai 1639.
A l'instant présent les dits Hennekinne, Frasneau et Courbet le dit Dom Christophe Carette pour satisfaire à la ditte injonction a déclar le dit fief estre liège en tel comprendement que dessu et valoir annuellement quatre cens florins.
La loi :
Les habitants hôtes et manants forment des communes que le comte de Flandre et de Hainaut régissent par des dispositions spéciales, et puisque le prévôt représente le seigneur, il est ainsi le Prévôt le Comte. En 1176, la ville d'Haspres reçoit son statut, en faisant partie du Hainaut elle est soumise a ces lois, réglements de police et impôts.
Mayeurs et Echevins :
Les échevins ont le rôle de magistrat de la ville. Placés sous l'autorité du mayeur ils sont chargés d'administer la commune et d'y faire régner l'ordre. Ils sont choisis par le seigneur parmis les hommes les plus instruits et les plus capables.
La justice :
Les cartulaires de 1197 rappellent que Haspres dépend du Hainaut, ce sont donc les lois de cette province qui s'appliquent. Citons ici les historiens MM.Louise et Auger à propos de deux manuscrits :
"La ville d'Haspres faisait alors partie du comté du Hainaut, qui, divisé en deux parties, avait deux capitales : Valenciennes et Mons. Les deux chartes étaient rédigées en latin dans l'original. Avant le XII° siècle, on ne trouvait pas d'autres lange officiel. Elles ont peut être été traduites en langage vulgaire dès leur établissement, mais le texte connu est du milieu du XIV° Siècle. La première charte a pour auteur Baudouin, IX° du nom comme comte de Flandre et VI° comme comte du Hainaut; car il était fils du Baudouin qui fut le V° après celui qui réunit la Flandre, et le Hainaut. Les chartes ne s'écartent guere de celles qui régissaient, dans d'autres lieux, les coutumes relatives à la juridiction, à la composition de l'autorité, au rôle du maire, du doyen, des échevins, du prévôt le comte et des chevaliers. Tout ce qui concerne le pain, le vin; Le vin produit dans la région même du Hainaut ! La viande et toutes les marchandises est formulé dans cette charte.
La Loi du Talion règle les cas graves : celui qui a tué, est mis à mort, celui qui a fait perdre un membre le perdra aussi. En 1634 l'assassin du bailli d'Haspres fut condammé à être pendu et avoir le poing coupé. Un autre cas ici relevé dans les travaux de l'AGFH : "Ignace CACHEUX, comdamné par contumace en 1681 a être fouetté et banni pour 30 ans, pour avoir blessé très dangeureusement Martin NEUVEGLISE, en lui donnant plusieurs coups de courbet sur la tête".
Les sergents font les sommations et les arrestations au nom du Prévôt le Comte, et plus tard au nom du Roi. Ils sont nommés par l'abbé de Saint Vaast
Voir également fiefs et reliefs de la prévôté
La prévôté d'Haspres pendant la période révolutionnaire
Les prêtres victimes de la révolution
Les moines possédaient vraissemblablement quelques objets précieux, qui au fil du temps se sont transformés en trésor. Une vielle légende Hasprienne dit que le trésor serait enfuit quelques part.
Pierre Thomas, sieur du Fossé, souligne dans ses mémoires (1666-1668) : De Valentiennes nous passâmes, pour aller à Cambray, par un village nommé Hap, où il y a une abbaye, ou un prieuré, de la dépendance de Saint Vast d'Arras. Nous vismes, dans cette abbaye, trois chasses d'argent, dont il y en a deux d'une grandeur extraordinnaire. Il y en a une de Saint Acaire. Mais nous y vîmes encore une autre pièce incomparablement plus belle, qui est une croix de vermeil doré et émaillé, dont l'ouvrage est encore plus excellent que la matière, quoyqu'elle soit enrichie d'un grand nombre de pierres fines. Elle a six grands pieds et demy de hauteur, plus de trois pieds de travers, et quatre poulces d'épaisseur : nous ne pûmes voir s'il y avoit des reliques. C'est assurèment une des plus belles pièces qui se voyent.
Le père Ignace (capucin d'Arras) souligne dans ses mémoires (1747) que les reliques de Saint Hugues et Saint Achaire furent transférées à Haspres pendant les invasions des Normands, et dit que l'on y envoya avec eux un morceau de la vraie Croix, enchasée dans une belle Croix d'argent qui a quatre pieds de haut.
Par ailleurs les archives de la prévôté soulignent qu'au temps de Philippe de Caverel : "La prévôté fut luxueusement restaurée et les cendres de Saint Hugues et Saint Achaire furent déposées dans une châsse d'or et d'argent."
Certains racontent qu'il y aurait à Haspres un morceau de tissu (trouvé près de Landrecies) relique de Saint Hugues, non reconnu par l'archevêque. Il y aurait également à Haspres une relique de la vraie croix.
Transformés en corps de ferme, les batiments de la prévôté sont rachetés en 1961 par François Stanilas Lestoille, dernier fils de Charles François et Marie Cyrille Sauvage.