Etymologie HASPRES
 
 

Au sommaire :

» Orthographe à travers les ages
» Haspres des origines anthroponymique ?
» Haspres et Asper : un hasard étymologique ?
» La franche ville d'Haspres News

Orthographe à travers les âges

Au fil de mes recherches, j'ai trouvé plusieurs orthographes.

Monsieur MANNIER dans son ouvrage "Recherche étymologique des noms des communes du Nord", fournit l'historique suivant :
HASPRA, vers 1044 : Cartulaire de l'abbaye de Saint Vaast
HASPRA VILLA, vers 1098 : idem
HASPERA, vers 1142 : idem
ASPRENSIS VILLA, vers 1164 : idem
HASPRENSIS VILLA, 1169 : idem
HASPRENSIS VILLA, 1176 : 2° Cartulaire du Hainaut
HASPRA, vers 1288 : Cartulaire de Notre Dame de Condé
HASPRA, 1349 : pouillé du diocèse de Cambrai
ASPERA : Meyer, Annale des Flandres
HASPRUM : Chronique de Baldéric

Extrait de la charte d'Haspres - 1176

1176 - Extrait de la charte d'Haspres


On trouve également dans les différents ouvrages traitant sur notre village, les orthographes suivantes :

HAPPE
HAPPRE, sur une carte du Hainaut datant de 1572 (Frans Hogenberg)
Dans l'histoire de la Fondation de la pruvosté d'Haspres écrite en 1628 par un Dom *** Religieux de St Vaast, l'auteur cite Aspre ab asperitate et difficultate.
HASPRE, sur les peintures du Duc de Croy
HAPRES, sur la carte ci dessous datée de 1715

Dans les mémoires de l'abbé Ignace (capucin d'Arras) écrites en 1747, celui ci mentionne Aspera ainsi que Asprensis proepositura en latin et donne les détails suivants : diocèse de Cambrai et 423 habitants.

Durant l'occupation les allemands prononçaient HASPRESSE, insistant ainsi sur les S.

Haspres, Les plans et profils des principales villes et lieux considerables du comte de Haynaut - Université de Kyoto

Bullet donne l'explication suivante : Haspres est situé sur la Selle, dans une courbure de la rivière, ce qui l'amène a dire que son nom signifie en Celtique As, rivière, et ber,bre, pre, coupée, au partage d'une rivière qui l'entoure.

Mannier fait un rapprochement intéressant avec la ville de Asper située en Flandre orientale (Belgique), qu'on écrivait en 963 Haspra, en 967 Asperae, en 1162 Hasprensis ecclesia, en 1330 Aspre.

Quand à messieurs Willems et De Smet, chacun porte un jugement différent sur ce mot, que le premier fait venir d'hasper, hesper, néflier, et l'autre de aspe, pâturage aux moutons, ou mieux d'un nom propore, Haspar, dit pour Gaspar, par le changement du G en H, comme on prononce Hand pour Gand.

Monsieur Grandgagnage remonte lui au origine latine : Aspera (scilicet ripa), qu'on devrait entendre par une situation dans un terrain aride, inégal, raboteux, aspretum.

Il est de toute évidence que la déformation du nom du lieu ait passé par des stades très divers, selon le caractère et la langue des différents occupants et envahisseurs qui passèrent à Haspres.

JURENIL dans son livre Denain et l'ostrevant, tout en expliquant que l'art de l'étymologie est bien compliqué apporte les commentaires suivants : "Pour Haspres, à coté de l'étymologie latine aspera, qui fait penser aux aspérités peu accentuées de cette région, on donne aussi, c'est la thèse de Bullet : as pour rivière et ber, bre ou pré pour coupée, soit île formée par un partage de l'eau (la Selle).

Haspres des origines anthroponymique ?

Voila une thèse originale et intéressante qui relance la réflexion sur le sujet des origines du nom Haspres. Monsieur André Bigotte déjà auteur d'un très bel article sur les origines d'Avesnes le Sec, paru dans la revue "Valentiana" n° 37/38, de décembre 2006, nous fais l'honneur de son analyse sur l'origine du nom Haspres.

"je ne crois pas du tout, en effet, à l'explication du toponyme à partir du latin « asper » (accusatif : « asperum ») qui évoquerait l'aspect rude ou escarpé du pays. D'ailleurs le [H] initial, présent dans toutes les graphies du nom, ne manquerait pas de poser certaines difficultés. Je soutiens encore moins l'interprétation de Jean-Baptiste Bullet (en 1754) qui décompose en deux éléments : « as » = rivière ( ???) et « pre » = coupée ( ???). Cette fantaisie qui ne manque pas d'humour, me fait penser à la manière dont le même Bullet découpait le nom « Auberchicourt » (= domaine d'Aubert ou d'Obert) en « alb » = blanc, « ert » = peuplier ( ???) et « chi » = bois ( ???), et traduisait par : la ferme au bois de peupliers blancs !!! - Je préfèrerais plus volontiers une origine anthroponymique basée sur les noms anciens du village et qui avancerait une étymologie impliquant un nom de personne (Hasperius ? Haspero ? .), premier propriétaire des lieux (installé par les Romains après la conquête de la Gaule ?). J'en veux pour preuves les cinq témoignages suivants :"

"1°) les graphies qui comportent l'ajout VILLA = domaine, propriété : « Hasprensis villa » attesté au 12e siècle (cf. Mannier que vous citez. Peut-être peut-on supposer, grâce à la forme « Haspera » citée également par Mannier, une étape antérieure : « Hasperensis villa » où la voyelle [e], entre les deux consonnes [p] et [r], aurait ensuite disparu, selon les lois ordinaires de la phonétique historique). Cet ajout de VILLA se retrouve dans maints toponymes : « Ursenensis villa » (domaine d'Ursenius) = Orsinval ; « villa Vereti » (domaine de Veretius) = Vred ; « Dulciaca villa » (domaine de Dulcius) = Douchy ; « Samionis villa » = Saméon ; « villa Tiletum » = Tilloy, etc., etc. On peut même faire l'hypothèse que ce mot VILLA, quand il ne figure pas dans le nom du lieu, est souvent sous-entendu pour exprimer le domaine d'un propriétaire (seigneur romain ou celte)."

"2°) les graphies avec l'adjonction du suffixe ENSIS = indication d'un nom de lieu : « Hasprensis villa », mais aussi : « Fano Martensis villa » (domaine où se trouve le temple de Mars) = Famars ; « villa Malbodiensis » (domaine où se trouve l'habitation de Malbodius) = Maubeuge ; « Ursenensis villa » (domaine où se trouve l'habitation d'Ursenius) = Orsinval, etc., etc. Le suffixe ENSIS a été par la suite réduit à ENS (on trouve « Ursenens villa » pour Orsinval), puis a pratiquement disparu (« Ursina vallis » ; « Fano Martis »). De la même façon, pour Haspres, la graphie « Hasprensis » est devenue « Haspra » (cf. Mannier)."

"3° ) L'étymologie à partir du substantif latin ASPERITAS, verbe ASPERO, signifiant : aspérité, rugosité, terrain rocailleux, escarpé, etc., ne me paraît pas recevable, d'abord pour une raison topographique (il n'y a pas assez de relief élevé, à mon avis, pour justifier l'application de cette qualité au nom même du village), et ensuite pour un motif typiquement linguistique sur lequel je voudrais revenir : le latin « asperitas » est accentué sur le [e], ce qui a empêché l'effacement de cette voyelle (d'où le français : aspérité). Or, nous avons bien une graphie HASPERA en 1065 (mentionnée dans le Dictionnaire des noms de lieux, par Dauzat et Rostaing), et vers 1142 (citée par Mannier que vous connaissez), mais toutes les autres formes donnent HASPRA, HASPRENSIS, sans [e] entre les consonnes [s] et [p]. Si on accorde crédit aux deux graphies HASPERA, il paraît logique, selon les règles de la linguistique historique, que le [e] inter-consonantique, donc en position faible, se soit effacé. Ce qui contredit bien l'étymologie « asperitas », où cette voyelle, en position forte, s'est conservée. En revanche, pour les noms de lieux à consonance proche, comme ASPRES dans les Hautes-Alpes, les graphies anciennes qu'on trouve dans Dauzat et Rostaing, donnent ASPÈRE, ASPÉRIS au 12e siècle, sans [h] initial et avec [e] intérieur, ce qui pourrait confirmer, ici, le sens originaire d'aspérité (le relief y est en effet escarpé !). Idem pour ASPÈRES dans le Gard, écrit ASPERA dès le 9e siècle."

"4°) La présence constante du [H] à l'initiale, à l'inverse des toponymes cités à l'instant, prouverait que cette lettre a existé dès l'origine, et qu'elle s'est maintenue comme c'est souvent le cas dans les noms propres et les mots savants (exemple : « Hispania » a donné hispanique, à côté d'espagnol). ASPÉRITÉ n'a jamais comporté cette initiale qui n'existe pas dans le mot latin, et il n'y a aucune raison pour qu'elle ait été ajoutée par la suite."

"5°) Quant au [s] intérieur, qui dès l'origine (HASPRA), ou après l'effacement du [e] dans HASPERA, s'est trouvé devant une consonne, il aurait dû disparaître très tôt (exemple : le latin « testa » a donné teste en ancien français, puis tête), mais là aussi, il s'est gardé dans les mots savants et les noms propres (exemple : le latin « pastorem » a donné le français : pasteur, à côté de « pastor » d'où est issu : pâtre). Même s'il a disparu dans la prononciation, le [s] est souvent resté dans la graphie (exemples : - les [ê] qui remplacent [es] ; - le latin « aspero » est devenu aspre en ancien français, âpre aujourd'hui ; - le latin « cassanus », chêne, a été à l'origine du Quesnoy ; - « Avesinas » a engendré « Avesnas », puis Avesnes). Je crois que c'est la tendance générale à partir du 16e ou 17e siècle, à effacer systématiquement ces [s] devant consonne (dans l'écriture, mais aussi par contrecoup, dans la prononciation), qui a permis les formes HAPPRE ou HAPRES que vous citez, et qui me font penser à Avesnes-lez-Selle, ou Avesnes-le-Sel ou même Avesnes-le-Seigne : ces graphies fantaisistes issues de mauvaises lectures ou d'interprétations fautives ne sont pas rares au 18e siècle. Des erreurs de ce genre se retrouvent aussi (encore aujourd'hui) dans le parler populaire local."

Texte de Monsieur André Bigotte.

Haspres et Asper : un hasard étymologique ?

Dans le bulletin de la commission centrale de statistique de Bruxelle (1845), je me suis étonné de l'origine de la commune d'ASPER en Flandre orientale qui présente des similitudes tout à fait intéressantes avec celles de notre village.

En effet y est mentionné pour ASPER :

- Haspra en 963
- Haspera en 967
- Hasprensis ecclesia en 1162
- Aspre en 1330

Haspres et d'Asper pourraient tout à fait tirer des origines communes anthroponymique, et non basées sur l'aspect aride du terrain.

Un autre document Mémoires couronnés par l'académie royale des sciences (mémoire sur les anciens noms de lieux), précise : Haspere, Aspre, Asple (Ernst, VI, 181, an. 1213; 196, an. 1221. La dernière forme s'est propagée jusque vers les temps modernes). Je pense que ce nom vient du latin aspera (scil. ripa ?) et qu'il est proprement le nom wallon (Eysden est situé sur la limite des langue, mais du côté flamand) : comparez dans le Cartulaire de St Père de Chartres Aspera, Asprae, maintenant Apres (près Laigle) : le h de la première forme serait dû aux Flamands. Dans la Flandre orientale, au Nord d'Audenarde et proche de l'Escaut, se trouve aussi un Asper, nommé anciennement Haspra, Haspera : si l'antériorité de l'aspiration et la position du lieu en pays flamand combattent notre étymologie, en revanche elle me parait confirmée par les conjectures auxquelles a recours Monsieur De Smet : dans son I° mémoire (p.15 inf) il déclare "ne trouver aucune étymologie qu'on puisse regarder comme probable"; dans ses Corrections (2nd mémoire, p.40), il suppose que "Asper jadis Haspera, est peut être demeure [?] de Gaspard, ou "que ce nom dérive peut être du mot aspe, qui désignait autrefois un lieu de pâturage pour les moutons"; cependant il préfère la première interprétation "parce que l'on trouve un lieu nommé de même Haspres, au pays roman, à mi chemin entre Cambrai et Valenciennes".

La franche ville d'Haspres

Les historiens Th Louise et E Auger ont intitulé leur ouvrage sur notre village La ville franche et prévôté d'Haspres, Charles Laurent a intitulé le sien (en deux volumes) Histoire de la franche ville d'Haspres, mais au fait que signifie exactement cette notion de Franche Ville ?

Commençons par comprendre qu'est ce qu'une ville au Moyen Age

Comme Monsieur Bigotte, tente de le démontrer ci dessus, le mot villae tire ses origines d'un domaine ou d'une propriété à l'époque romaine. Ce qui semble être le cas pour notre village.

Une ville au Moyen Age, possède plusieurs propriétés : économique, politiques, militaires, religieuses, démographie, etc... Elle tente de se développer dans un milieu dominé par la servitude et la féodalité. Dans un tel contexte, la ville cherche sa liberté, en s'octroyant des avantages et/ou des privilèges.

La possession d'un statut privilégié entraine parfois sur le plan juridique la notion de ville à de petites agglomérations qui n'ont jamais dépassé le stade de la ruralité.

C'est le cas de la prévôté d'Haspres, qui après son rattachement à l'abbaye de Saint Vaast d'Arras en 1024 devient le centre d'une colonie agricole florissante. Celle ci est à l'origine de la franche ville d'Haspres.

Les religieux de la prévôté louent (par bail) des portions de terrains aux particuliers. Ils augmentent ainsi leurs bénéfices et par conséquent les redevances qu'ils doivent au monastère de Saint Vaast dont ils dépendent. Peu à peu, Haspres passe du statut de Hameau en centre d'une circonscription à la fois religieuse et politique (voir article sur le décanat).

En 1176, Haspres obtient sa propre charte de franchise de Baudouin, comte de Hainaut. Il s'agit là d'un acte décrivant les privilèges acquis de façon coutumière ou de concession orale.

Pour tenter d'aller plus loin, Jacques Le Goff propose une enquête originale sur l'implantation des ordres mendiants, phénomène révélateur de la France urbaine médiévale. Il pense qu'il faut une population assez importante et assez riche pour entretenir l'aumône et permettre l'hébergement des mendiants. Sur ce point Haspres dispose au XIII° siècle d'un couvent de femme connu sous le nom de cense de maugré, ainsi qu'un hôpital (1218) et d'une léproserie (1231).

La franche ville d'Haspres, se développe au fil des siècles. Des fossés et des remparts se lèvent pour protéger la ville. Située sur l'axe économique et stratégique Cambrai - Valenciennes, les échanges commerciaux sont favorables à la ville. Haspres dispose d'un droit de foire et de marché (cf article sur les impositions).

La notion de franche ville apparait dans plusieurs parchemins et document.

1574 - 1575, relevé des recettes extraordinaires : Jean Maschau, maire de la franche ville d'Haspres (SRC H 2836)

1616 - 1617, compte du prévôt : Procès de Martine Deschamps, femme de Jean Blaisse, prisonnière à l'office du baillage de la franche ville d'Haspres pour sortilège. (SRC H 2843)

1770, Constant Joseph Desvignes, licencié des lois, bailli de la franche ville et prévôté d'Haspres. (SRC H 2943)

1770 - 1771, frais de procès, instruit par contumace par l'office de la franche ville d'Haspres contre André Joseph Pierrone, accusé de séduction. (SRC H 2903)

1774, frais de procédure criminelle instruite à l'extraordinaire par l'office de la franche ville et prévôté le comte d'Haspres contre André Pierrone, Caroline Béra et autres complices au sujet des émeutes arrivées à Haspres pour l'exportation des blés le 20 et 21 mars 1773 (SRC H 2907).

La fin d'une époque

Peu à peu, Haspres perd son influence. Tout d'abord la déviation par Bouchain de l'axe principal qui relie Cambrai à Valenciennes, puis la révolution qui met fin à la prévôté. La constituante établi un nouveau système judiciaire, avec la création à chaque niveau administratif d'un tribunal. Au niveau du canton est crée le tribunal de la justice de paix, dont les juges sont élus par les citoyens.

Un document de la série L 3396 donne quelques informations sur la lutte dérisoire du conseil général pour garder les acquis de la franche ville. Ce document d'archive daté de 1790, adressé au district de Valenciennes, demande la nomination d'un juge de paix et de prud'homme assesseur particulier : La population de notre commune nous donne le droit ainsi que des titres anciens que notre commune a possédé autrefois le droit de franc marché et de foire, sur toute espèce de marchandise et attendu qu'il se trouve des places propres à cet usage. La communauté d'Haspres se résout dans cette supplique a justifier ses droits anciens notifiés dans des parchemins de janvier 1639 et 1644.

Le district de Valenciennes en réponse explique que Si la commune d'Haspres n'aspire plus aujourd'hui à la distinction de ville, du moins se croit elle autorisée à se considérer comme un bourg, dont la population est de beaucoup plus de 2000 âmes. Le directoire du district de Valenciennes, touché de ces moyens, pense qu'il sont de nature à engager le département d'appuyer la demande auprès de l'assemblée nationale.

L'article II du titre III de la proclamation du Roi sur les décrets de l'assemblée nationale concernant l'organisation judiciaire indique : S'il y a dans le canton une ou plusieurs villes ou bourgs, dont la population excède deux milles âmes, les villes ou bourgs auront un juge de paix et des prud'hommes particuliers. Si à l'époque des faits, Haspres a perdu de son importance et n'est plus qualifié de ville, il fait encore office de bourg principal de la chatelenie de Bouchain. Par ailleurs, il existait autrefois des prairies du cottel environnant les remparts et fossez d'icelle ville, ce qui confirme son statut de bourg.

Le dictionnaire des science qualifie le mot bourg de la manière suivante : Gros village muré ou non, dans lequel on tient marché. Ce mot signifiait autrefois une ville fortifiée et défendue par des tours. Ceci est un argument supplémentaire, favorable au regard des membres du district de Valenciennes pour appuyer la demande de tenir l'élection d'un juge de paix auprès de l'assemblée nationale.

 
Haspres - Genealegrand
© 2017 - Olivier LEGRAND