Le vieux moulin
 
La Selle La prévôté Le moulin à vent
 

Le débit constant et rapide de la selle est propice à l'activité de moulin. On dénombre tout le long de son court une trentaine de moulins. Comme le dresse le rapport de nivellement général du département du Nord de 1869 à 1879 descendons le cours de la selle pour en faire une liste exhaustive : Moulin Guyot, Moulin Pamart, Moulin Wattremez-Leriche,Moulin Bridoux, Moulin Sottière, Moulin Labbez à Solesmes, Moulin Macarez à Saint Python, Moulin Lempereur à Saint Python, Moulin Leclercq-Leriche, Moulin Ferdinand Labbez, Moulin Adrien Richez, Moulin Leriche, Moulin Boulogne à Saulzoir, Moulin Bertrand, Moulin Auguste Bulté, Moulin Lagrue-Cossiaux à Haspres, Moulin Bury-Fievez, Moulin Pierre François Caudray, Moulin Risbourg à Denain.

Fonctionnement d'un moulin

Un moulin utilise la force motrice de la rivière au travers d'une roue en bois pour actionner les meules qui transforment les épis de blé en farine. La modernisation aidant, certains moulins sur la selle verront leurs meules remplacées par des cylindres. La machinerie composant un moulin est la suivante : meules ou cylindres, élévateurs et vis d'Archimède, trémie, nettoyeurs, ensacheurs et plansichter (sorte de tamis).

Le vieux moulin à blé
Le moulin des moines

Pour produire de l'énergie à partir d'un moulin à eau, plusieurs choix se présente :

La turbine : sous sa forme la plus simple, la turbine est une roue à augets (constituée de petits godets) quelque peu transformée. La turbine, munie d'un système de transmission a un rendement supérieur à celui des roues.

La roue hydraulique : plus simple et moins couteuse, elle permet d'entrainer toute sorte de machine, alors que la turbine n'est utilisée que pour la production d'électricité.

La roue à augets en dessus : l'eau arrive au dessus de la roue par un conduit long et étroit, appelé rayère. C'est son poids qui fait tourner la roue munie de petits godets qui se vident en atteignant le canal de fuite. Ce type de roue convient bien aux terrains accidentés, on le trouve fréquemment dans l'Avesnois.

La roue de côté : elle est de construction presque semblable à la roue précédente, mais reçoit en fait l'eau aux deux tiers de sa hauteur.

La roue en dessous a aubes planes : dans ce type de roue, seules les palettes inférieurs se trouvent immergées. Elle est simple, facile à installer et utilisée quand le débit de l'eau est important et le courant rapide. Son rendement reste cependant plus faible que celui d'une roue en dessus.

Le moulin et la prévôté

Le moulin appartenait jadis à la prévôté, d'où parfois son appellation de "moulin des moines". Comme l'indique les historiens Louise et Auger dans leur très complète étude sur la prévôté, la charte d'Haspres établit en 1176 établit les Us et Coutumes de la ville d'Haspres. Entre autre la prévôté met à la disposition de ses concitoyens un moulin banal pour moudre le blé, ainsi qu'un four banal pour faire cuire le pain.

 
Haspres - Le moulin
 

Il faut bien comprendre qu'au Moyen Age la construction d'un moulin est très couteuse, et que seul la prévôté peut envisager un tel investissement. Elle impose donc à ses sujets, pour le rentabiliser, et en vertu de son droit de ban, de se servir exclusivement de son moulin.

L'article 25 du terrier de 1750 indique : Le moulin dudit Haspres banalles, appartenant à la prévosté dudit lieu sur la rivière de Ceelle audit Haspres, contenant un boittellet et une pinte de terre, présentement la cour dudit moulin, rue et warescaix à l'usage des manans du dit lieu, 1749 demeurée ouvert depuis la mill car auparavant et depuis l'an 1636 il n'y avoit qu'une voie de dis pieds largeure pour aller et venir audit moulin chy mémoire.

Meunier, un métier pas banal !

Les moines n'exploitent pas directement le moulin, mais le baillent à des tiers. C'est ainsi que plusieurs générations de meuniers vont se succéder à l'exploitation du moulin.

Bourlinet

On trouve en 1466, le bail du moulin à blé à Jean Bourlinet.

La meule du moulin exposée au parc Forget
Meule du moulin

Tacquet

Le bail du moulin est accordé en décembre 1527 à Jeanne Marchande, veuve de Jean Tacquet, et Antoine Leducq. Ensuite Noël Tacquet reprend l'exploitation du moulin. Celui ci passe un nouveau bail en 1543 avec jardin, héritage et chaussée.

Le 12 janvier 1567, on retrouve Noël Tacquet, homme d'armes au service du Roi et meunier du moulin à la tête d'une compagnie de cavaliers du Comte de Roeulx pour combattre les Huguenots (voir chapitre XVI° Siècle)

En juillet 1576, le moulin est baillé pour peu de temps à Christophe Tacquet et Françoise Clicquart sa femme, car en 1579 le moulin est brûlé.

Dugardin

Pierre Dugardin et Marie Bauduin son épouse reprennent le bail "du moulin à eau, à usage de moudre le blé et la maison en dépendant" en 1586.

Dix années plus tard, par suite des faits de guerre, un accord est trouvé avec la veuve de Pierre Dugardin pour les arrérages du moulin d'Haspres.

Vieille pierre en facade du moulin
Façade du moulin

Lecerf et Lanseart

En 1604 le moulin est loué à Lambert Lecherf et Catherine Berquier sa femme, puis en 1610 à Laurent Lanseart et Françoise Lemaire.

Les comptes de la prévôté pour les années 1612 à 1613, indique Jean Lecherf pour sa maison nommée Longue Pierre.

Delewarde

En 1617 c'est la famille DELEWARDE qui reprend l'exploitation du moulin. Jeanne Wasson veuve assistée de son fils Jean, demande une diminution de son fermage.

Sur la façade du moulin, une vieille pierre sculpée (aujourd'hui illisible) porte l'inscription "DOM FR.... PREVOT DE CESTE VILLE A FAIT REPARER LE MOULIN - 1663". Comme L'indique Guy Morelle dans son livre Haspres et son passé, il s'agit probablement de Dom François Doulcet prévôt de la ville d'Haspres à cette époque.

En 1664, on trouve Jaspart DELEWARDE, meunier d'Haspres.

Famille Lagrue

En 1686, François Lagrue, natif d'Haussy, succède à Jaspart Delewarde pour l'exploitation du moulin. En 1704, nous relevons, recette de droits seigneuriaux sur François Lagrue, meunier d'Haspres, pour le quint denier de la cession de 9 mencaudées sur Haspres que lui a faite Antoine Joseph Boulez, licencié en lois, ancien échevin de Valenciennes. A son décès en 1712, c'et son fils Marcq Antoine Lagrue qui lui succède jusqu'en 1735.

Jean Michel Lagrue (lieutenant du mayeur) prend la succession jusqu'en 1742. Arrive Georges Lagrue, natif de Roeulx, fermier et échevin. Nous relevons le 22 avril 1743, un relief, par Georges Lagrue, à la mort de Jean Michel son père, d'un fief de 9 mencaudées à Haspres, par devant Jacques François Joseph Desvignes, licenciés en lois, bailli de la ville et prévôté le comte. Pierre Georges Lagrue est le dernier meunier avant la révolution. Un arrêt du parlement de Flandre du 20 février 1781, portant décharge à l'assignation au conseil d'Artois de Pierre Georges Lagrue, meunier, par l'agent du cardinal de Rohan qui prétendait résilier son bail et défend au cardinal d'y donner suite sauf à traduire devant ses juges naturels s'il s'y croit fondé.

Quelques mots sur la prévôté le comte : A l'origine, la prévôté le comte est une circonscription princière dirigée par un officier comtal. Le comte de Hainaut était ainsi assisté par un haut fonctionnaire : le grand bailli de Hainaut. Lui même assisté par des agents locaux : châtelain, bailli où prévôt. Le prévôt le comte joue également le rôle de commissaire de police, il peut procéder à des arrestations dans les villages de la prévôté, instruire des affaires et les juger. (src : Bulletin AGFH 119, article de Philippe Guignet)

Le 24 octobre 1791, le moulin est adjugé à Louis Parent pour la somme de 15 100 francs. Il le cède ensuite à P.G Lagrue le 6 octobre suivant.

 
Vente du moulin
 

Le 28 avril 1892, le moulin avec sa maison d'habitation est à vendre, voici la description de l'annonce passée dans l'écho de la frontière : Une propriété sise à Haspres, rue de la Sainte Fontaine comprenant un moulin à eau, monté à l'anglaise, faisant du blé à farine, mû par la Selle, avec ventellerie en fer forgé, garni de trois paires de meules avec tous les accessoires de la monture à blanc et mécanisme en fonte, blutage et nettoyage montés à neuf; le tout mû par une roue hydraulique en fonte pouvant moudre cent hectolitres de blé par jour. Et une maison comprenant sept chambres, cuisine, grand grenier, caves, cour, trois grandes écuries, grange, batteuse. Le tout érigé sur un terrain de 11 ares environ. S'adresser pour visiter l'établissement à Monsieur Lagrue Cossiaux à Haspres.

En 1920, Monsieur DUVERGER installe au moulin une turbine hydraulique destinée à produire l'électricité du village.

La maison du meunier

Cette maison située à l'angle des rues Clément Godard et de la place de la liberté à proximité du moulin des moines, n'est autre que l'ancienne maison des meuniers. Construite en brique rouge et pierre blanche d'Avesnes le Sec, cet édifice dont l'histoire est intimement lié au moulin, fait partie du patrimoine historique de notre village.

Merci à Martine Warlop pour ces magnifiques photos :

La maison des meuniersLa maison des meuniers
La maison des meuniersLa maison des meuniers
La maison des meuniersLa maison des meuniers
La maison des meuniersLa maison des meuniers

Terrier de 1750 (Article 28)

La maison et héritage de Barbe Tacquet contenant deux boitelets de terre en 1636 à Jean Delewardes, en 1660 à Gaspard Delewardes, en 1670 à la prévosté dudit Haspres, en 1690 une boitelet à Margueritte Delewarde, veuve de Lentonnez fourié dans la compagnie de cavalerie du comte de Buquoi par arrentement de la ditte prévosté, en 1706 à François Lagrue par acqueste de Robert Bailleux à cause de Hierosmette Lentonne sa femme, en 1726 à Marc Antoine Lagrue le dit boitelet , en 1736 aux héritiers dudit Lagrue, en 1749 à la veuve de Jean Michel Lagrue, faisant le coin sur la place des chesnes et à la rue de Sainte Fontaine, en 1750 la ditte veuve Lagrue, 1752 Georges Lagrue et Marie Thérese Gilbert sa femme et ses consors.

Terrier de 1759 (Article 26)

Héritage de George Lagrue, tenant aussus dit à la cour du moulin faisant le coin de la rue de la Sainte Fontaine, 18 verges, 15 pieds.

Autre document important qu'il faut également ici mentionné, il s'agit d'une annonce relevé dans le journal l'impartial du 18 avril 1892 par Michel TURPAIN et consultable sur son site le TERRIER D'Haspres :

"Moulin à eau avec maison d'habitation à vendre pour en jouir immédiatement, le jeudi 28 avril 1892 à 2 heures, Me Gustave LEFEBVRE, notaire, adjugera à Denain, en son étude : Une propriété sise à Haspres, rue de la Sainte Fontaine, comprenant un moulin à eau, monté à l'anglaise, faisant de blé farine, mû par la rivière la Selle; avec ventellerie en fer forgé, garni de trois paires de meules avec tous les accessoires de la monture à blanc et mécanisme en fonte, blutage et nettoyage montés à neuf; le tout mû par une roue hydraulique en fonte pouvant moudre cent hectolitre de blé par jour. Et une maison comprenant sept chambres, cuisine, grand grenier, caves, cour, trois grandes écuries, grange, batteuse. Le tout érigé sur un terrain de 11 ares environ. S'adresser pour visiter l'établissement à M. LAGRUE-COSSIAUX à Haspres; et pour connaître les conditions à Me Gustave LEFEBVRE, notaire à Denain.

Nous citerons également un document intitulé "Elevation et profil du pont et moulin de la ville d'Haspres situé sur la rivière la Selle"., dréssé en avril 1757 par Joseph de Castille, arpenteur. Côte ADN (C16996).

Plan du moulin daté de 1757 par J.Castille

De nos jours

Le moulin a aujourd'hui subit d'important travaux et est aménagé en de confortables appartements. C'est en effectuant sa réfection qu'une meule à été retrouvée. Celle ci est aujourd'hui exposée au bord de la Selle dans le parc Forget.

 

Quelques mots sur le moulin Bulté de Saulzoir

Son fondateur est Auguste Bulté, natif de Montrécourt en 1812. Il épouse en juillet 1841, une Hasprienne Marguerite Genevière Buisset et s'installe à Saulzoir vers 1845. Le couple achète une vieille bâtisse jouxtant la Selle, où une petite chute d'eau actionne une roue en bois, elle même actionnant les meules d'un moulin. En aval se trouvait le moulin Gabet et en amont le moulin Turotte (celui ci a cessé son activité bien avant la première guerre mondiale).

En 1879 à la mort d'Auguste Bulté, Léon et Alfred prirent le relais de leur père et construirent vers 1880 un nouveau moulin à meules. Pour cette construction, deux briqueteries entières furent nécessaire.

La minoterie fut transformé en 1911 par la maison Schneider Jacquet de Strasbourg qui procéda à l'installation d'appareils à cylindres broyage et convertissage ainsi que les plansichters.

 
Haspres - Genealegrand
© 2016 - Olivier LEGRAND