Jusqu'à la révolution française, subsiste la conception féodale du pouvoir, reposant sur une allégeance directe, d'homme à homme. Cet article sur la charte d'Haspres nous donne un aperçu de la conception de ce pouvoir féodal.
Au XII° siècle, une charte sert à fixer les droits et coutumes qu'un seigneur accorde ou reconnait à ses sujets, ainsi que les obligations auxquelles ils sont astreints envers lui. Les actes ratifiés dans la charte sont en général des questions d'impôts, de redevances et de justices auxquels sont soumis les administrés. C'est la naissance de l'échevinat.
Les franches villes ont le droit de s'administrer en toute autonomie, mais restent sous la surveillance de la justice et de la police royale.
Les historiens Louise et Auger, dans leur minutieuse étude sur la prévôté d'Haspres, nous offre une intéressante description sur le manuscrit d'où sont extraites les deux chartes d'Haspres :
" …Le manuscrit à 0m, 25 de haut, sur 0m, 17 de large. Il est relié en veau. Un ornement frappé à froid couvre les deux côtés. Il se compose d'un fleuron qui fait le tour et encadre huit tiges longitudinales d'une fleur ronde. "
" …Les pages sont rayées à l'encre brune. Elles contiennent 22 lignes et environ 33 lettres à la ligne. L'écriture est belle, toute de la même main. "
" ….Les intitulés de chapitre sont véritablement des rubriques, étant écrits en rouge. On trouve aussi épars ça et là quelques lettres en rouge au milieu des mots… "
1150 - On trouve mentionné dans l'inventaire de la série H au chapitre de la prévôté d'Haspres : Charte de Baudouin, comte de Hainaut, restituant à l'église d'Haspres tous les biens qu'il en détenait injustement.
Cette charte ou loi ecrite en langue romane, est aujourd'hui peu compréhensible. La traduction qui suit est celle de M Godefroy, guide des archives des Comtes de Flandres.
" Actum anno Verbi Incarnati M° C° LXX° VI°, comite Hainonie Balduino et abbate sancti Vedasti Martino ".
Lettres par lesquelles Baudouin, comte de Hainaut, établit les droits de l'église de Saint Aycadre et de l'abbaye de St Vaast, et ceux dont il doit jouir lui-même en la ville d'Haspres, ainsi qu'il l'a appris des échevins de cette ville et de ces hommes ; savoir :
Eustache de Rueth (Roeulx), Hauwel de Chievrain (Quiévrain), Alman de Provi (Prouvy), Renier de Thyons (Thiant); hommes du Comte de Hainaut et aussi les hommes de cette église ; savoir : Gautier d'Arras, Wichard de Irwileir, Bernard de Gaverelle et Henri Leveau.
La juridiction de Haspre appartient à Saint Achaire et à Saint Vaast, tant en moulins que fours, tonlieux, etc…. Le prévôt de cette église, qui y agit au nom de l'abbé, a toute juridiction dans cette ville ; il a le droit de fixer le jour pour tenir les plaids, d'établir les échevins, de publier, en présence des maires et échevins, les bans sur le pain, la viande, le vin et autres choses vénales, et de juger les infractions qui y seroient faites.
Le prévôt du Comte et les chevaliers de la ville doivent se trouver à la publication de ces bans; et s'ils ne s'y trouvent pas, le prévôt de l'église n'en peut pas moins ordonner l'exécution.
Les bans publiés peuvent être changés après l'année.
Le prévôt et les échevins connoîtront des poids et mesures.
Si quelqu'un est assez téméraire pour mépriser la justice du prévôt de l'église et des échevins, ils en porteront plainte au prévôt du Comte, qui appellera le coupable dans la cour de Saint Aycadre ; s'il y a lieu à une amende, l'église en aura les deux tiers et le prévôt du Comte l'autre tiers.
Aucun habitant de la ville ne pourra avoir recours au prévôt du Comte qu'en prouvant que celui de l'église lui a refusé justice ; et dans le cas contraire, il paiera ; sols d'amende au prévôt de l'église.
Le Comte est avoué de l'église et de la ville ; mais il ne doit pas se mêler des affaires des hommes de l'église, à moins qu'il n'en soit requis par l'abbé ou le prévôt de l'église.
Toutes les maisons de la ville excepté celles des clercs, des chevaliers et autres exempts, doivent au Comte chacun an un octuale (huiteu) d'avoine et 3 deniers : plusieurs chevaliers tiennent cette redevance en fief de lui.
La commune de la ville paiera au Comte 60 livres par an, afin qu'il protège les habitants et qu'ils puissent passer librement dans ses châteaux avec ses marchandises.
Le prévôt du Comte pourra tenir dans sa maison trois plaids généraux par an; sçavoir : à Noël, à Pâques et à la Saint Jean Baptiste.
Le prévôt du Comte ne doit pas faire de plainte (clamorem) pour plus de cinq sols.
Si le Comte veut tenir plaid contre quelqu'un, le prévôt de l'église doit l'assigner pour le lendemain, s'il n'est pas question d'héritage ; car dans ce cas il ne doit être assigné que pour quinzaine.
Le Comte ne peut tenir plaid ailleurs que dans le portique de Saint Aycadre, et il ne peut clamer que pour 60 sols et un denier.
Si le Comte fait une ordonnance dans nos Comté concernant la vente du vin, la défense de brasser et concernant la monnoie, elle doit être publiée dans la ville par le prévôt de l'église, en gardant cependant une brasserie pour les besoins de l'église.
Suivent les amendes pour les blessures et les délits.
Si le Comte est obligé de veiller à la défense de son pays, il devra mander par son prévôt à celui de l'église d'assembler tous les hommes de la ville, afin qu'ils se trouvent à l'expédition avec leurs armes, sous peine de 10 sols.
La part que les habitants doivent contribuer, soit pour le mariage des filles du Comte, s'il est fait prisonnier, où s'il achète quelque château n'ayant pas été fixée par les lettres du Comte Baudouin, la chose restera encore indécise.
Tous ces articles sont confirmés par le Comte Baudouin, du consentement de la comtesse Marguerite, sa femme.
Témoins : Alard, évêque de Cambrai ; Frumold, évêque d'Arras, Hugo, Doyen et archidiacre de Cambray ; Martin, Gallus, et quelques ecclésiastiques.
Témoins du Comte : Eustache de Roeux, Hauwel de Chievraing; Raoul de Fraisne; Louis, son frère ; Guillaume d'Hausi ; Amand de Provi ; Gerulf, prévôt du Compte à Haspre.
Témoins de la part de l'église : Gautier d'Arras ; Alard de Croiselles ; Wichard d'Irvilleir ; Eustache de Longo Vado (Longeval) ; Bernard de Gaverelle ; Jean de Bailuez ; Guillaume de Foro ; Henri le Veau.
On notera également la présence des personnages suivants : Barthelemi, prêtre de Haspres, Gerulf, prévôt du Comte à Haspres, et Simon, Mayeur de Haspres.
Nota : Ce parchemin est revêtu du sceau en cire rouge de Martin Abbé de Saint Vaast.
1184 " Actum per manum Gilberti, notarii mei, anno Dominice Incarnationis M° C° XXX° IIII° ". Lettres de Baudouin, comte de Hainaut, déclarant confirmer les coutumes d'Haspres, sauf en ce qui concerne les meurtriers et les auteurs de blessures, point sur lequel il les modifie.
Cet autre parchemin de 1197 de Baudouin VI, confirme les coutumes et usages de Haspres établi en 1176. Ce chirographe (deux copies d'une transaction écrites sur la même feuille de parchemin) est scellé du scel de Henri, abbé de Saint Vaast, en cire rouge, fort épais et de forme oblongue.
Sont cités sur cet autre document : Le serouges (beau frère ou demi frère) Grard Prévost de Bruges, Regnier de Trith, Willaume mon oncle, Willaume de Haussy, Grard de Prouvy, Willaume de Gommegnies, Thiery de Thians, Amand le prévost de Haspres, Pierre le mayeur d'icelle ville meisme, Amand et Manessier - chevaliers, Amand Pippart Boissart et Nicole, homme l'abbé de Saint Vaast.
Un autre document daté d'avril 1357, archivé au dépôt de Mons, règle les droits des habitants d'Haspres dans les terrains vagues (warechaix), les marais et la pêche.
Sources utilisées :
- Louise et Auger - La Franche Ville d'Haspres
- Inventaire sommaire des archives départementales du Pas de Calais - Série H