En 1904, Haspres "retrouvait son clocher". L'ancien clocher fut détruit en 1876 à la suite d'un terrible ouragan. C'est 28 ans après, en septembre 1904 par l'initiative de l'abbé Henri BAERT qu'un nouveau clocher fut reconstruit.
Au sommaire :
» Historique du clocher
» La vente des biens nationaux
» Des réparations qui s'enchainent
» La démolition du vieux clocher
» Trente années plus tard : un nouveau clocher
» Le baptême des cloches
Pour savoir à quoi ressemblait le "vieux clocher", il faut remonter en 1050 période à laquelle la prévôté d'Haspres ne dépend plus de Jumièges mais de l'abbaye de St-Vaast d'Arras. A cette époque l'abbé Leduin décide de faire éléver un donjon, et de rebatir l'église flanquée de deux tours. Cet édifice de style roman ogival fut appellé "Chapelle des religieux". L'une de ces deux tours traversa les siècles, elle fut surmontée d'une flèche et devint alors le "vieux clocher".
Plusieurs sources parvenues jusqu'à nous, permettent de fournir des détails intéressants sur l'allure du vieux clocher. L'inventaire sommaire de la prévôté nous indique qu'en 1609 : Réedification de la fléche du clocher en ardoise, haute de 62 pieds 1/2, avec 8 pans et 4 petits clochers. On disait alors que c'était l'un des plus beau clocher de la région, et que de part sa hauteur de 65 mètres, il était le 17eme clocher de France. La couverture du clocher était en ardoise.
En janvier 1610, un marché est passé avec Nicolas Boudillon, marchand de fer à Valenciennes, pour faire le coq et les quatres figures des évangélistes et les cinq croix au dessus du clocher de la prévôté.
Cette haute tour se situait dans la prairie de l'abbaye prés du choeur et de l'actuel sacristie. Celui ci d'allure massive avait la forme d'une tour carrée, surplombé d'une flèche. Chacun des angles étant surmontés d'un clocheton. De grandes ouvertures dit "abats vents" étaient découpés sur chaque face. Le vieux clocher avait la rare particularité dans notre pays d'être isolé de l'église.
Une gouache de Charles de Croy, montre l'allure du clocher dans les années 1600.
Nous observons sur cette gouache, que seul un bras de la selle traversait le village, celui qui alimentait alors le moulin. Sur la droite de la gravure, se trouve une énorme batisse fortifiée, et en arrière plan probablement l'abbaye. Le moulin équipé de sa roue et le bassin sont également visibles sur cette gravure. Au devant de l'église se tient le cimetière fermé de murailles. Sur sa gauche git un grand édifice, qui faisait probablement office d'école aux religieuses de la prévôté. On peut observer une sorte de cloitre collé à l'église.
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Magnifique dessin au crayon de Josua De Grave, propriété du British Museum de Londres. | |
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Après la révolution, la convention s'installe. Pour renflouer les caisses de l'état les députés décident de procéder à la vente des biens nationaux. La prévôté est vendu a folle enchère en juin 1792 pour une somme de 12 000 Francs à un dénommé Maurice CACHEUX, habitant d'Haspres. Celui ci ne pouvant payer, l'annulation de la vente est prononcée. Le 23 janvier 1793 le Sieur Joly se porte acquéreurs des batiments de la prévôté. Celui-ci les revends le 7 février 1793 au Sieur Richard pour la somme de 39.980 livres.
Détail de la vente du 23 janvier 1793 : est compris la maison de la ci devant prévôté d'Haspres y compris tous les jardins, cours et basse cours et autres. Un bois planté de haute futaie et raspe, renfermé par la rivière entouré de fossés, exceptés la maison commune, le ci devant fruitier vis à vis de l'église et la dite église restante pour la commune.
Le clocher va être au centre d'un litige opposant la commune et le nouvel acquéreur (Série 1Q). Tous les deux revendiquent le droit de propriété sur le clocher (celui-ci ne touche pas directement au mur de l'église) qui repose dans la prairie de la prévôté. Le citoyen Broux est nommé par le prefet du Nord pour tirer cette affaire au clair.
Le 9 thermidor an VIII (27 juillet 1800), la commune d'Haspres porte une ultime réclamation en indiquant que les procès verbaux d'adjudication (dont voici la liste des témoins : Jean Baptiste Bailleul, Ranulphe Delahaye, Jean Baptiste Dhainaut, Dominique Telle, Jean François Morelle, Antoine Lamotte, Nicolas Meriaux, Jacques Guislain Lehue, Nicolas Flahaut, Jean Baptiste Cacheux, Jean Bricout, Jean Baptiste Béra, Pierre Gruez, Jacques Moreau, Marcq Boucly) ont été égarés durant l'invasion autrichienne et tente de prouver par l'affirmation devant notaire de plusieurs individus, que le clocher des moines était réservé à la commune lors de la vente faite à folle enchère. Le conseil de la prefecture ne retiendra pas cette preuve comme suffisante.
Le 22 aout 1800, sur décision de la prefecture le clocher est définitivement attribuer au Sieur RICHARD. Celui-ci entreprend immédiatement les travaux de démolition, pour en récupérer les matériaux. Les travaux à peine commencer M. RICHARD décède, ses héritiers prennent la décision de céder le clocher à la commune pour une somme de 500 Francs. Le clocher redevient propriété communale le 5 septembre 1801.
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Registres paroissiaux de 1725 | ||
En cette année la cloche de la paroisse appartenante à la communauté fut refondu et augmenté de 20 livres en poids, aux frais et charge de la communauté, en foi de quoi j'ai signé. | ||
Philippe Lemaire | ||
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En 1809, l'architecte Deleau, fait la remarque suivante : La tour du clocher a besoin de réparation. Elle est surmontée d'une grande flèche de forme octogone, et de quatre petite de forme hexagone, dont les couvertures sont fortement dégradées.
Le 8 aout 1840, le conseil municipal fait état de réparation urgente à réaliser sur le clocher, la mention "ne peut passer l'hiver sans être réparé" figure même sur le registre des délibérations.
Le 29 juin 1843, la foudre s'abbat sur le clocher, endommagant fortement la tour et la première enrayure de la flèche. L'état de vetusté du clocher nécessite le remplacement des poutres sur lesquelles repose la charpente. Un devis s'élevant à 7.000 francs est alors proposé par l'architecte Noël Hollaind.
Devant le poid de la dépense, l'affaire traine en longueur et le clocher continue pendant ce temps à s'abimer.
Au mois de décembre 1847, le conseil municipal décide :
Afin que les travaux les plus urgents puissent être exécutés le plus tôt possible, le conseil municipal vote dés aujourd'hui une somme de 3.000 francs pour être employés le plus tôt possible à la consolidation du clocher de la commune. La dite somme de 3.000 francs sera acquittée sur l'exédant des recettes sur les dépenses de la caisse municipale.
Les travaux de réparation sont accordés au Sieur Jean Baptiste Cattiaux, couvreurs en ardoises à Haspres (suivant la soumission du 3 mars 1844 approuvé par le Prefet le 5 février 1848). La réception des travaux de consolidation (partielle dirons nous) de la tour du clocher aura lieu le 6 novembre 1849 en la présence du maire Charles Lestoille, du premier adjoint Disselaire et des conseils municipaux Boucly et Morelle.
L'état du vieux clocher ne s'arrange guère, bien au contraire !
En 1861, un nouveau devis s'élevant à 1890 francs est présenté par Monsieur Grimault (architecte à Valenciennes) au conseil municipal.
En 1865, la fourdre frappe une nouvelle fois la flèche du clocher.
L'événement est relaté dans l'écho de la frontière du 25 mai 1865.
Le 14 de ce mois, vers quatre heures du soir, un orage éclatait sur la commune d'Haspres. Un coup de tonnerre se fit entendre, suivi d'un craquement extraordinaire. Les habitants sortirent de leurs maisons et virent que le clocher de l'église était en flammes. Heureusement, une pluie torrentielle vint à tomber et bientôt le feu s'éteignit. Cet incendie, occasionné par la foudre, a gravement détérioré le clocher.
La couverture en ardoise est entièrement détruite, ainsi qu'un pan entier de la charpente, et diverses pièces de bois. Le rapport d'expertise nous apporte quelques détails supplémentaires sur l'allure du vieux clocher :
Les murs de la tour sont également fortement endommagés; le pied droit d'une fenêtre a été demoli dans toute sa hauteur. Des travaux de consolidation avaient été fait en 1857, ils avaient été, à cette époque fort incomplets attendu que les quatre pièces de la première enrayure sont complétement pourries et qu'il faudra les remplacer.
Le montant des réparations est estimé à 18 800 francs.
L'ouragan du 12 mars 1876 :
Le 12 mars 1876, un térrible ouragan sévi sur le département du Nord. Celui ci d'une extraordinaire violence occasionne de graves avaries sur le vieux clocher de la commune. A Avesnes le sec le clocher est démolit partiellement, la flèche en pierre tombe sur l'église heureusement inoccupée.
Afin d'envisager de probable réparation le maire Auguste Caullet, missionne un architecte de Valenciennes Louis Dutouquet, à visiter l'édifice. Celui ci après un examen minutieux, constate le mauvais état de la tour nord, ainsi que de la flêche.
Monsieur Dutouquet devant l'attachement des paroissiens à leur clocher, n'ose prendre sur lui la responsabilité d'abbatre "le monument". Il demande l'avis de ses collègues Messieurs Dubrulle et Meurant architectes à Douai. Après un second examen, les trois architectes arrivent aux mêmes conclusions.
Extrait du PV d'expertise du 3 avril 1876 :
La tour qui n'a pas moins de trente mètre de hauteur est construite en pierres du pays, elle est surmontée d'une flèche dont la charpente est en bois de chène qui s'élève à une très grande hauteur, qui ne nous a pas été possible de mesurer. A l'angle droit de la face ouest se trouve une tourelle avec escalier conduisant à l'étage des cloches.
En approchant de l'édifice, par l'entrée de la ferme, on est vivement saisie par l'obliquité qu'il présente vers le sud, on croit d'abord à un trompe l'oeil, mais le fil à plomb justifie la première impression. Ce hors d'aplomb pour la tour seulement, nous a paru être d'environ quatre vingt centimètre.
Le PV d'expertise nous renseigne également sur les précédent travaux exécutés sur le vieux clocher, et plus précisément sur la tourelle d'accès aux cloches :
C'est ici le lieu de rappeler le dernier travail fait à cette tourelle, il y a douze ou quinze ans, quelques pierres à l'extérieur ont été remplacées par des reprises, les marches en pierres, usées à la vérité ont fait place à d'autres en bois et nous pensons que ce dernier travail a pu contribuer aux avaries que nous venons de signaler, l'enlévement des marches anciennes a laissé vides des entrailles qui les recouvraient, d'autres entailles ont été faites pour recevoir les marches en bois, et enfin par cette suppression de marches et du bourdon, on détruisait une action qui peut dans certaines limites, être comparée aux raies et au moyeu d'une roue par rapport à la jante. Il a donc pu y avoir, selon nous par cette restauration un affaiblissement.
Etant donné l'état de dégradation et de vestusté du vieux clocher, il n'est pas envisagable de procéder à sa restauration.
Le vieux clocher doit être détruit :
Le 10 mai 1876, après délibération le conseil décide de demander l'autorisation à la prefecture de faire procéder à la démolition du clocher aux conditions suivantes :
Le conseil propose la mise en vente par adjudication publique au plus offrant et dernier enrichisseur, du clocher à la charge de l'entrepreneur, d'en gérer la démolition à ses frais, risques et périls......... Cette combinaison serait très avantageuse pour la commune si toutefois on parvient à trouver des amateurs.
Un an plus tard, aucun entrepreneur sérieux ne s'étant présenté, la démolition est confiée à un maitre de carrière d'Avesnes le sec.
Que depuis Un Sieur Henri Leblanc, Maitre de carrière à Avesnes le Sec, s'est offert à opérer l'entière démolition de ce clocher, à ses frais, risques, périls et sans aucun recours des voisins contre la Commune moyennant une indemnité de 1000 francs, mais conservant pour lui tous les matériaux à provenir de cette démolition.
Que le dit Sieur Leblanc s'est en outre engagé à arrêter les travaux de démolition n'importe lequel point ils seraient arrivés si l'administration municipale, jugeait à propos, sur l'avis d'un architecte, de conserver la portion restant du clocher, pour servir de base à une construction, et ce sans aucune indemnité à payer de part ni d'autre.
Le conseil décide alors la démolition du clocher, moyennant une indemnité de Mille Francs pour être payée à l'entrepreneur aussitôt que les travaux de démolition seront complétement terminés et que les matériaux à en provenir seront enlevés de l'ancien cimetière et de la prairie de Monsieur François Lestoille.
Durant la période qui va suivre la démolition du vieux clocher et la construction de celui que nous connaissons aujourd'hui, l'une des cloches sera installée dans la cours de l'école des garçons (actuel monument aux morts).
Depuis quelques années, l'abbé Baert milite activement pour la reconstruction du clocher. En 1903, en pleine période anticléricale, il s'adresse au conseil muncipal en ces termes : Si vous votez les fonds nécessaires à la reconstruction du clocher, je ferai poser dans l'intérieur de l'église une plaque en marbre et sur cette plaque, je ferai graver vos noms en lettres d'or. Le conseil municipal, adopte à l'unanimité la reconstruction du clocher pour un montant de 31 500 Francs. L'abbé Baert apporte à titre personnel, 12.000 francs.
Rapidement la société Calixte de Denain débute les travaux sous la direction de l'architecte Tourquennois Monsieur RITAINE.
Avant d'édifier le nouveau clocher, on réalisa des fouilles, on pensait y trouver des vestiges du passé, voir des sarcophages, en vain.... Pour permettre l'accès à l'église durant les travaux, une porte est percée sur le côté gauche de l'église.
En moins d'un an les travaux sont réalisés, et le 13 septembre 1904 c'est l'inauguration. La cérémonie présidée par Monseigneur Sonnois (*) archevêque de Cambrai, réunit une foule immense. La bénediction du clocher est donnée par le chamoine Lobbedey vicaire général.
(*) Monseigneur Etienne Marie Alphonse Sonnois, ancien évêque de Saint Dié, archevêque de Cambrai de 1892 à 1913.
En 1905, le conseil municipal décide d'acheter une horloge et de remonter la vielle cloche existante (celle que l'on voit sur l'illustration ci dessus). Une seconde cloche pesant 1000 kilos, sonnant le "Mi" est achetée par l'abbé Baert. Celle-ci est fabriquée et posée par la fonderie Wauthy de Douai. La cérémonie d'inauguration a lieu le 19 décembre 1905 en présence du vicaire général Lobbedey. Une foule immense est présente pour l'occasion. Marc Bricout Caullet et Madame Ernest Lestoille Canonne sont respectivement parrain et marraine.
Notre clocher retrouve enfin son âme et les cloches peuvent à nouveaux rententir.
En 1906 l'horloge est installée, Monsieur Ruffin ecclésiastique est chargé chaque semaine du graissage et du remontage du mécanisme.
Hélas, cela ne devait pas durer. Août 1914, les cloches sonnent à toute volée, annoncant la mobilisation générale. C'est la première guerre mondiale. Un jour de 1917, les cloches sont démontées et envoyées en Allemagne. On ne les reverra jamais !
1919, Monsieur GORIS architecte est invité par le maire à inspecter l'ensemble des édifices communaux ayant subit des dommages de guerre, afin d'y entreprendre les réparations. Une fois de plus le clocher est endommagé.
1921, le conseil considérant que l'autorité ennemie a réquisitionnée les deux cloches pendant l'occupation de la commune (les 3 septembre 1917 et 17 avril 1918); que d'après les renseignements fournis à ce jour par le service de restitution siegant à WIESBADEN, toutes les recherches n'ont donné aucun résultat. Il est alors décidé de formuler une demande d'avance pour l'acquisition de nouvelles cloches.
1922, le conseil municipal décide de procéder au remplacement des deux cloches. Ce marché est confié à la maison Wauthy de Douay. Le fondeur est chargé de la livraison suivante :
- une cloche de 1050 kilos, portant l'inscription "Je chante pour la liberté"
- une cloche de 630 kilos portant l'inscription "Je chante la joie et la douleur"
Les cloches sont un élément indispensable pour un village. Elles rythmes tout au long de la journée la vie de la population en sonnant aux aurores, à midi et à l'aube (l'angélus marquant la fin de la journée). Elles annoncent les évenements heureux comme les baptêmes, mariages et processions, ou les événements malheureux comme le glas annoncant la mort d'un(e) concitoyen(e). Elles servent aussi à sonner le tocsin pour donner l'alerte (comme en 1914).
Le baptême des cloches existe depuis toujours, même s'il n'a qu'une valeur symbolique. La cloche est lavée à l'eau bénite et par sept fois, figurant les sept dons du Saint Esprit, l'officiant fait le signe de croix, en présence du parrain et de la marraine.
Le 14 janvier 1923, l'abbé Bonnet curé d'Haspres donne le baptême aux deux nouvelles cloches Marie Eldmonde et Adrienne Augusta. Toute la population reçut pour l'occasion une boite de dragrée.
En janvier 1932, l'horloge du clocher est réparée par Monsieur Schweers de Valenciennes.
En 1953, le montant du marché de la réfection de la toiture du clocher s'élève à 446.923 francs.