Portraits d'Haspriens |
Le monument aux morts |
Prisonniers 39-45
La "Der des Der" a fait des millions de morts, dont 73 soldats Haspriens. De nombreux villages du Nord ont été occupés puis détruits. On croyait pourtant ne plus jamais revivre cela, et pourtant quelques années après....
En 1933, la prise du pouvoir en Allemagne par Hitler préoccupe le monde. Devant cette menace naissante, en 1935 le service militaire obligatoire repasse de 12 à 24 mois. En 1938, l'Autriche est annexée.
1938 - l'Anschluss : l'Autriche est annexée, quelques temps après c'est au tour des sudètes. Mars 1939, les troupes Allemandes occupent la Tchécoslovaquie, puis en avril l'Italie envahie l'Albanie. Le 30 août, la France mobilie. Le 31 août l'Allemagne exige la cessation du couloir de Dantzig, le 1° septembre la Pologne est envahie.
Le 3 septembre 1939, la Grande Bretagne puis la France déclarent la guerre à l'Allemagne.
Au sommaire :
» La drôle de guerre
» La guerre éclair
» Le combat d'Haspres
» Le siège de Bouchain
» L'armistice
» L'occupation
» La libération
Septembre 1939, les 250 mobilisés Haspriens ont rejoint leurs régiments : 161° RAP et 117° RTP à Valenciennes, le 18° Territorial à Cambrai, le 101° RAL à Douai, le 225° RA et le 27° RA à Hesdun, ainsi que le 401° régiment pionnier à Béthune. Le contraste avec 1914 est palpable : cette fois pas de chants ni de cris enthousiastes.
A Haspres, un plan de défense passive est établi pour protéger la population civile. Des mesures pour lutter contre l'incendie et contre les gaz sont prises. Un tract reprenant les mesures de protection élémentaire à prendre en cas de bombardement est également distribué.
Fait marquant de ce mois de septembre 1939, une innondation importante de la Selle, due à la rupture d'une digue du Canal de St Quentin. De mémoire de certains témoins, Haspres connu à cette période l'une des plus grande crues dévastatrice de son histoire. Cet épisode n'épargna pas les villages arrosés par la rivière et se prolongea une bonne semaine.
L'Allemagne concentre ses forces à l'est, rien ne se passe, à part de temps à autre quelques avions de reconnaissance Allemands qui survolent Haspres. L'un d'eux sera abattu en septembre 1939. C'est la drôle de guerre qui commence.
Une compagnie sanitaire du recrutement de Rouen vient s'installer à Haspres. Les écoles et quelques établissements industriels sont réquisitionnés pour servir d'hôpitaux. Cette compagnie restera à Haspres jusqu'au mois de mai 1940.
L'année 1939 se termine dans un froid polaire annoncant sans doute la perpective des mauvais jours à venir. La neige et le gel minent le moral des troupes.
L'ennui :
Sur le front les mobilisés se demandent pourquoi ils sont là, certains Haspriens rentrent même en permission ! On se prépare à une guerre de défense en construisant des abris et en creusant des tranchées. La vie du soldat se poursuit comme à la caserne, les corvées et les exercices troublent à peine l'ennui. L'inaction nuit au moral des troupes.
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Carte de correspondance du Sergent Chef Adolphe Ménard du 53° B.M.M | ||
Chers Amis, En l'occasion du nouvel an, je vous envoie par cette présente mes voeux sincères de bonne année et de bonne santé. Espérons que l'année 1940 nous apporteras la victoire de nos armes pour que chacun puisse rejoindre son foyer. | ||
Nous sommes toujours dans le même secteur et les jours se suivent sans que rien ne dérange le communiqué "Rien à signaler". | ||
J'espère que vous êtes tous deux en bonne santé, de mon côté tout va bien, le moral est très bon chez nous. Nous avons passé une bonne fête de Noël et en l'occasion le menu de la troupe était amélioré jusqu'à une bouteille de champagne pour quatre. En renouvellant mes voeux, recevez chers amis, mes sincères amités. | ||
Signé Ménard, le 30 décembre 1939 | ||
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Pendant ce temps à Haspres, le conseil municipal organise la défense : des mesures contre les incendies et les gaz sont prises. Des affiches indiquant les mesures à prendre en cas de bombardement sont distribuées dans les foyers.
Brusquement, le 10 mai 1940 tout s'accélère. Hitler lance ses troupes sur la Hollande, la Belgique et le Luxembourg. Il veut atteindre la manche le plus rapidement possible pour encercler les forces Franco - Britannique. La luftwaffe se rend rapidement maitresse des airs et commence son travail de terreur et de destruction.
Les panzers de Guderian progressent à une vitesse incroyable. Le 13 mai Sedan est menacé.
L'évacuation
Du 8 au 17 mai Haspres est traversé par une file interminable de réfugiés fuyant devant l'ennemi. On craint parmi eux des espions de la cinquième colonne. La peur et l'angoisse monte peu à peu. Dans la nuit du 16 mai, les allemands lachèrent unn tapis de bombe activant encore la fuite et la terreur au sein de la population.
Le 17 mai une colonne de blindés Allemands atteind le Cateau. L'ordre d'évacuation est lancé. Les Haspriens pris de panique se décident à évacuer malgré la menace des stukas. Ma grand mère Fernande Decornet m'a souvent racontée cet épisode pénible : "Après les premiers bombardements, nous avons décidé de partir. Nous avions emporté avec nous le plus gros. Sur la route de Cambrai, nous avons été bombardé puis mitraillé. Nous nous sommes réfugiés à Carnière, ou là nous avons retrouvé François Bailleux notre voisin. Après quelques jours abrités dans les caves, nous sommes sortie : les Allemands étaient là ! Ils nous ont dit que la guerre était terminée et que nous pouvions rentrer chez nous."
Le 19 mai les Allemands approchent d'Haspres. Pierre Turquin dans son histoire de Saulzoir raconte : "Trois blindés apparaissent entre le passage à niveau d'Haussy et de Montrécourt et sont détruits par une pièce de 75, embusquée près de la chapelle ND des Affligés, qui tire à vue; par la suite des éléments blindés venant de la direction de Solesmes franchiront la Selle à guè en aval du moulin Bulté."
Suite aux pertes énormes subies lors des journées des 17 et 18 mai par le 4° cuirassiers et son incapacité à reprendre l'offensive, le Colonel Beauchesne décide de suspendre l'attaque initiée par le Général Picard. Lorsque ce dernier le rejoint au moulin d'Haspres la rencontre est orageuse : "Au général Picard qui lui demande des explications, le colonel de Beauchesne prétexte que faute de chars, il a décommandé l'attauqe et que sa droite est aux prises avec l'ennemi. Mais il n'ajoute pas qu'à 19 heures, il a donné à tout son groupement l'ordre de se replier sur la ligne Villers en Cauchies, Saulzoir, Verchain, à 12 kilomètres en arrière de sa base de départ à 5 kilomètres du PC de la DLM qui se trouve en l'air, et découvrant ainsi complètement la droite du groupement de Causans qu'il ne prévient pas. Croyant le groupement de Beauchesne toujours sur sa base de départ, le général Picard, après avoir fait de sévères observations, rejoint Bermerain, soucieux de Causans dont il est sans nouvelles"
Afin de ralentir l'offensive Allemande, le 20 mai 1940 les chars du 4° cuirassiers appuyés par les canons du 74° RA établissent une ligne de défense en partant des hauteurs de Villers, le chemin vert, la Selle en aval du moulin Bulté, la route de Saulzoir, Rouveceau, aux limites de Verchain. Un violent combat s'engage alors. Après une farouche résistance, nos troupes finissent par céder face aux redoutables panzers.
Le comportement des hommes du 74° RA fut courgageux, comme en témoigne la citation du général Huntzinger : "Magnifique régiment qui, sous le commandement du lieutenant Colonel de Margeriites a brillament rempli, au cours de la campagne Belgique France, toutes les missions qui lui ont été confiées. Le 20 mai 1940 à Haspres, a contenu plusieurs heures, en mission antichars une attaque ennemie menée par des chars lourds."
Les pertes matérielles sont énormes. Stéphan KOVACS (futur selectionneur de l'équipe de France de football) sera fait prisonnier à Haspres le 20 mai 1940. Un peu plus tard, trois chars français abandonnés à l'entrée du chemin de Verchain, lors de ce combat causeront la mort de 4 jeunes innocents.
A Bouchain, le 45° RI a pris position pour défendre la ligne de front délimitée par l'Escaut et la Sensée. Le 20 mai 1940 la vieille ville se retrouve sous un déluge de feu et d'acier. Malgré l'encerclement total de la ville les hommes du 45° RI résistent. Après plusieurs jours de combat et au prix de lourdes pertes, le 26 mai la ville capitule.
Le 2 juin 1940, Hitler intrigué par la resistance de la ville de Bouchain se rendra sur les lieux de la bataille pour tenter de comprendre ce qui a pu mettre en échec ses troupes plusieurs jours durant.
Pris en tenaille à Dunkerque, les restes de l'armée française et britannique embarquent pour l'Angleterre. Beaucoup de soldat ne pourront rejoindre l'Angleterre, ils seront envoyés en captivité en Allemagne.
Le 21 juin 1940 l'armistice est signée à Rethondes !
Les Haspriens qui ont évacué reviennent chez eux, ils retrouvent leurs maisons pillées et saccagées.
A partir du mois d'août 1940, Haspres va de nouveau connaitre les rigeurs de la guerre. En ce début d'occupation les allemands ne s'installent à Haspres que périodiquement. Ce n'est que vers 1942 qu'une compagnie Allemande vient cantonner à Haspres.
Ma Grand Mère m'a souvent racontée :"Les allemands avaient installées des canons le long de la rivière. Des patrouilles passaient régulièrement dans les rues, on entendait les bottes résonnées sur le pavé. Un jour le garde est passé dans les rues pour annoncer qu'il fallait se rendre sur la place sans bagages (il fallait des otages). Entre temps deux hommes ont été arrêtés, les gens ont pu regagner leur maison.
Face à la situation, il faut se débrouiller. Le ravitaillement n'arrive plus, il faut faire la queue (quelque fois pour rien) pour avoir du pain et de la viande. Le beurre, la farine et les oeufs s'acquierent au "marché noir".
Bien que régulièrement survolé par l'aviation alliée, Haspres n'aura pas à souffrir des bombardements.
Début 1944, les raids aériens s'intensifient. Un Messerschmidtt est abbatu près du chemin d'Haspres à Monchaux. La rumeur d'un débarquement des troupes alliés ravive l'espoir des populations occupées.
Le 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie. La nouvelle se répand comme une trainé de poudre et très vite les résistants du village reprennent l'initiative. Le 12 juin 1944, Saulzoir est durement bombardé.
Le 25 août Paris est libéré, les alliès continuent de progresser en direction du Rhin. Le 1° septembre Cambrai est libéré à son tour. Une colonne de blindés américains se dirige alors par la route de Nave à Rieux, vers Villers et Haspres.
Dans l'attente, les resistants Haspriens s'organisent et bouclent les ponts et la gare afin d'éviter leur destruction. Enfin le 2 septembre, les premiers chars américains traversent notre village par la rue de Villers, acclamés par la population en liesse.
Haspres était libéré. Il faut ici placer l'anecdote concernant l'accueil des blindés américains par nos canonniers.
Le jour de Noël 1944, un bombardier Anglais touché sans doute par les tirs de DCA Allemande vient s'écraser près de la ferme la chapelle aux bois.
Après le débarquement, il faudra encore attendre neuf longs mois la signature de l'armistice, le 8 mai 1945.
Témoignage de Gaston Morelle :
J'ai pris connaissance du récit concernant notre célèbre "Buque fort". Ceci m'incite a apporter ma modeste contribution aux évènements de la libération d'haspres .
Je n'ai aucun souvenir des faits relatés, attribués au père Devémy et à notre cher "Gare si j'y va". Mais peut-être étais-je ailleurs. Certainement, même ....
En ce qui me concerne, mes faits ont été moins tonitruants. Je ne vais en relatés que deux. J'ai d'abord eu l'occasion de faire 4 prisonniers, face à la poste. Ils avaient sur eux , la caisse de leur compagnie, 400000 francs de l'époque. Somme remise à Monsieur Alglave, receveur des PTT ...
Ces prisonniers furent conduits à l'école maternelle, rue Jules Ferry. Pour le 2ème, il concerne les chars qui tiraient à l'entrée du chemin de villers-en-cauchie, par où arrivaient les américains et où fut tuée madame Dhainaut Augustine, rue Mirabeau aux abords du chemin de villers.
Avec charles Fiévet, nous sommes allés voir où se trouvaient ces chars. Ils étaient au lieu-dit "moulin Bulté". Repérés, notre approche nous a valu d'avoir droit à 2 tirs. Le 1er obus tomba à environ 50 mètres. Le 2 ème, heureusement pour nous, atteint un angle de la maison de Marguerite Duseigne à environ 5 mètres de nous. Nous sommes descendus dans le fossé (comblé maintenant), pour nous approchés des rives de la selle. Revenus vers la place, avec un officier américain et en jeep, je suis venu jusqu'à la dernière maison de la rue de saulzoir. Probablement du fait d'avoir été repérés les chars étaient partis. ils ont été mis hors service à Vendegie-sur écaillon.
Je m'en tiens à cette modeste contribution. C'est loin tout cela.
Anectode : après mon retour d'indochine, chaque fois que je rencontrais le maire, Henri Forget, inlassablement il disait : ch'étot ti l'pus jonne, ch'étot mi l'pus vieux.
Quant à Saulzoir, ce bombardement a eu lieu le 12 juin 1944. Les bombes sont tombées sur un atelier de confection. Il y eut 16 jeunes filles ou femmes tuées et je crois 1 homme. J'étais aux champs avec mon père, derrière la ligne de chemin de fer. Nous nous sommes rendus sur les lieux pour apporter notre concours. Je me souviens qu'une jeune fille avait une main sectionnée. J'ai ramassé la main, l'ai posée sur son corps et nous l'avons transportée dans un autre lieu.
Ah oui ! il me reviens un fait plus sympa : dans la nuit du 13 au 14 juillet 1944, avec Alphonse Havez, nous sommes allés "cueillir" des fleurs dans la propriété Herbin. De retour à la maison, j'ai réveillé ma mère : " viens faire des bouquets ". Quelle fut leur surprise ! Depuis novembre 42, ils ne s'étaient doutés de rien. Les bouquets ont été déposés au monument aux morts, le 14 juillet 1944.
Sources utilisées :
- Archives municipales
- Guy Morelle, Haspres et son passé
- Pierre Turquin, Histoire de Saulzoir
- Les grandes batailles de la seconde guerre mondiale, collection HS Militaria n°8
- Témoignage de Gaston Morelle