S'' il est à Haspres une société ancestrale, c'est bien celle des canonniers. Les Haspriens peuvent être fier de posséder la plus vieille association de canonniers de France. Aujourd'hui transformé en un groupe folklorique haut en couleur, les canonniers et leur célebre bombarde "Gare si j'y vas" sont présents à toutes les manifestations locales.
L'origine de la confrérie des canonniers remonte probablement au Moyen Age. Il y eut d'abord les confréries d'archers et d'arbalétriers, chargées de la protection de la prévôté. Puis avec l'apparition de la poudre se forment des confréries d'arquebusiers et de canonniers.
D'après Charles Laurent (rapporté par J.Duvivier), la compagnie des canonniers d'Haspres fut fondée en 1520 par le moine GOBERT. Toutefois aucun document sérieux ne nous permet d'approuver cette date, et d'attester l'existance de ce moine à la prévôté.
Les premiers canonniers étaient donc chargés de défendre la prévôté face aux diverses invasions. Nous trouvons dans les registres de compte de la prévôté de 1638 quelques informations sur les canonniers : Payé à Valenciennes, par ordonnance des mayeurs et échevins de ceste ville par compte faict, tant pour poudre, mesche, balles, ensemble pour dépense du cheval de Adrien Vallé ayant esté arresté à la traite de la veuve Jean de Villers..
Au fil du temps, le rôle des canonniers se réduit à un service de police et de garde d'honneur. Quelques fois, ils furent chargés d'instruire les jeunes conscrits ou de poursuivre l'entrainement militaire de ceux qui en étaient libérés.
Le 15 juillet 1722, les ambassadeurs et les envoyés des puissances de l'Europe venus à Cambrai pour régler les affaires entre la France et l'Espagne sont invités par Monsieur de Saint Contest au chateau d'Avesnes le Sec. Pendant le diner, nos canonniers se firent remarquer par le tintamarre de leur artillerie. (SRC : Duvivier, les fortifications d'Haspres; Mémoires de la société d'émulation de Cambrai, Tome 27)
Le 29 avril 1810, nos canonniers se rendent à Bouchain à la rencontre de l'Empereur Napoléon et Marie Louise alors de passage dans la région.
Le 19 mars 1820, comparaissent devant Maitre Regnier, notaire à Bouchain, seize haspriens, dont l'objet serait de former une société qui aurait effet de se livrer à l'exercice du fusil au jeu de cibles.
N° | Nom et prénoms | Observations |
1 | Alexandre Béra | Mulquinier |
2 | Louis Devemy | Maçon |
3 | Jean Baptiste Gilleron | Mulquinier |
4 | François Béra | Mulquinier |
5 | Jacques Dhaussy | Mulquinier |
6 | Jean Baptiste Guille | Marchand |
7 | Benoit Blavier | Marchand |
8 | Henri Boucly | |
9 | Gisippe Griere | Mulquinier |
10 | Jean Flahaut | Mulquinier |
11 | Noël Flahaut | Mulquinier |
12 | Jean Baptiste Halliez | |
13 | Louis Dinaut | Journalier |
14 | Henri Boucly | Mulquinier |
15 | Jean Baptiste Delsautiere | Marchand vitrier |
16 | Jean Baptiste Catieau | Couvreur en ardoises |
Cette société nommée Canonniers d'Haspres, sera placée sous le patronnat de Saint Hugues et Saint Achaire. Les canonniers seront placés sous l'autorité d'un Colonel Général honoraire, un major, deux connétables et quatre juges. Ceux ci seront nommés lors des assemblées annales et au scrutin.
Un capitaine est chargé de commander la compagnie, sous les ordres immédiat du major. Le capitaine est nommé à vie.
Celui des canonniers qui obtient le premier prix le jour du premier tir, est de suite proclamé Colonel Général. Il jouit en conséquence des honneurs et prérogatives attachées à ce titre pendant l'année.
Le major est dépositaire des fonds de la société et les administre. Quand aux connétables, ils sont chargés d'acquérir les prix a délivrer lors des jeux de tir. Les canonniers, pour être admis, doivent résider à Haspres et être possesseur d'un fusil. Il sera reçu à la pluralité des suffrages à bulletin secret.
Une trentaine d'article règle ainsi le statut des canonniers.
En mai 1891, le maire d'Haspres adresse à la prefecture une demande de renouvellement de fusil pour la société des Canonniers d'Haspres. Sans avoir de réel status, c'est à cet instant que nos canonniers vont se constituer en société civil de tir.
Ainsi en juillet de cette même année, le prefet se rend à Haspres. Lors de cette cérémonie, sont recommandés à la bienveillance du prefet :
1 - Evrard Mutte, sergent et porte drapeau de la compagnie des sapeurs pompiers d'Haspres, 33 ans de service.
2 - Désiré Flahaut, sergent de la compagnie des sapeurs pompiers d'Haspres, 33 ans de service.
3 - Gustave Bulté, soldat au 127° régiment d'Infanterie de Valenciennes pour un congé d'un mois pendant la moisson.
4 - Joachim Debève, commandant la société des canonniers d'Haspres depuis 42 ans.
N° | Nom et prénoms | Observations |
1 | Debève Joachim | Capitaine commandant |
2 | Béra Hugues | Major |
3 | Bourgeois Pierre Joseph Charles | Canonnier |
4 | Boucly Charles Henri | Canonnier |
5 | Verin Hugues | Canonnier |
6 | Malaquin César | Canonnier |
7 | Cattiaux Eleuthère | Canonnier |
8 | Tison Stanislas | Canonnier |
9 | Boucly Jacques Louis | Canonnier |
10 | Lamand Constant | Canonnier |
11 | Colin Jean Baptiste | Canonnier |
12 | Coquelet Honoré | Canonnier |
13 | Pierronne Charles | Canonnier |
14 | Roland Isaac | Canonnier |
15 | Joly Jacques Louis | Canonnier |
16 | Caudron Désiré | Canonnier |
17 | Lamotte Pierre Joseph | Canonnier |
18 | Lepan Philippe | Canonnier |
19 | Telle Désiré | Canonnier |
20 | Moreau Augustin | Canonnier |
21 | Dhainaut Charles | Canonnier |
22 | Renaut Charles | Canonnier |
23 | Louvion Nicolas | Canonnier |
En mars 1892 est adressé à la sous préfecture de Valenciennes, un dossier ayant pour but d'obtenir l'autorisation d'organiser dans la commune d'Haspres une société particulière de tirs à l'arme de guerre.
Au début du XXe Siècle nos canonniers sont vétus d'une redingode noire, d'un chapeau noirs et d'un pantalon blanc avec une poire à poudre en bandoullière, celle ci est à l'usage des fusils se bourrant par la bouche. Peu à peu leur tenue se modernise, mais en 1905 les similitudes avec l'uniformes des militaires oblige le Sous Prefet de Valenciennes à intervenir :
Monsieur le Maire donne connaissance au conseil d'une lettre de Monsieur le Sous Prefet enjoignant aux dirigeants de la société des canonniers d'Haspres, de ne plus faire aucune sortie pour cause d'adoption d'insignes de grades et uniformes en usage de l'armée Française. Vu les motifs exposés dans la lettre Sous Prefectorale, le conseil décide d'inviter les dirigeants de cette société à opérer des modifications dans leur tenue et prie Monsieur le Maire d'intervenir auprès de Monsieur le Sous Prefet pour le maintien des canonniers.
Pour résoudre ce problème, en 1914, une adjudication de vingt tenues comprenant un dolman à Brandebourgs, un képi et son plumet est commandée à la maison Jules Cheval à Valenciennes.
Accèssoires indispensables de nos canonniers, les trois petits canons en fonte qui les accompagnent dans leurs sorties : "Gros Jean", "Buque Fort", et "Faut'y que j'y vosche".
Pendant la grande guerre, deux canons sont réquisitionnnés par les allemends. Pour ne pas subir le même sort, le dernier est enterré. Il est tellement bien caché, qu'il ne sera pas retrouvé.
En 1921, un nouveau canon en acier est fabriqué par la manufacture d'armes de St Etienne : "Gare si j'y va"
Le canon d'Haspres arrête les blindés américains !
La confrérie des canonniers est alors rattachée au premier corps d'armée avec son canon à boulets. Le fait d'arme qui est ici rapporté remonte au 2 septembre 1944.
A cette date, André Fievez, aujourd'hui Cambrésien, avait 17 ans et vivait fièvreusement les étapes de la libération. Vers 15 heures, les habitants de cette commune "entre Bêtise et Sottise et bien à cheval sur la Selle" attendent les américains. La cité a été pavoisée et le "père DEVEMY", garde chasse et canonnier décide de sortir le canon appelé "GARE SI J'Y VAS" afin de saluer comme il se doit l'arrivée des libérateurs (le célèbre "Buquefort" avait été volé durant la guerre de 14).
Donc ce 2 septembre, André Fievez est réquisitionné par le "Père DEVEMY" et tous deux installent le canon sur la place de la liberté, (face à la poste d'aujourd'hui) guettant du coté de la rue de la Balle, les américains arrivant obligatoirement par Iwuy et Avesnes le Sec dans la mesure où tous les ponts sur l'Escaut viennent d'être détruits. Le jeune Fievez monte dans le clocher et voit deux tigres allemands venir de Solesmes. Les deux chars s'arrêtent à l'entrée et tirent quelques coups de canon qui feront un mort et plusieurs bléssés. Les chars vont traverser la rivière et se réfugier dans le bois de Saulzoir laissant Haspres dans la consternation. Les drapeaux sont enlevés et les habitants se terrent.
Pourtant les Américains ne sont plus qu'à quelques enclavures et le père DEVEMY entend bien les accueillir comme il se doit. Il ne lésine pas sur la charge de poudre et allume le cordon Bicford. Humide, la mèche fera long feu et il faudra quatre cordons avant que le canon fasse entendre sa voix. Entre temps, les Américains sont entrés dans la ville. En tête de la colonne blindée, le général Bradley, célèbre pour ses lunettes en "roues de byciclette". Interloqué par la déflagration, le général fait arrêter la colonne et les tourelles des tanks se mettent à tourner en tous sens pour repérer l'ennemi. Un Pipper club de reconnaissance arrive au dessus du village et bientôt le malentendu sera dissipé. La colonne de tanks Américains va reprendre son chemin. Le défilé sera ininterrompu trois jours et trois nuits durant. Dix ans après, la route en ciment portait toujours les traces des chenilles des chars.
Cette anecdote fut d'ailleurs tournée en dérision par Stéphane Collaro et Jacques Martin dans l'émission la lorgnette en 1978.
Le 8 janvier 1978, la Fanfare et les canonniers d'Haspres se rendent à Paris pour l'inauguration de l'émission dominicale « La Lorgnette » animée et présentée par Jacques Martin et Stéphane Collaro. Le choix des deux animateurs du petit écran n'était pas le fruit du hasard. En effet notre fanfare et nos cannoniers avaient déjà été retenu pour figurer au programme de "Musique and Music" du 3 décembre 1977, programme annulé par suite d'une grève de dernière minute.
L'emission est un véritable succès. "Quand les spectateurs installés dans la vaste salle du théatre de l'empire virent arriver sur la scène, d'un côté des canonniers dans leur uniforme d'artilleur, suivis de leur cantinière remorquant leur petit canon "Gare si j'y vas" et de l'autre, les musiciens impeccables dans leur tenue style "grande formation" évoluant dans un ordre parfait tout en jouant la marche consulaire de Marengo, ce fut une salve d'applaudissement.
Quelle ne fut la surprise des spectateurs lorsqu'un canonnier mis le feu à "Gare si j'y va" !
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Les canonniers dans les années 1980. | |
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Les canonniers au début des années 2000. | |
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Peu à peu les traditions se perdent. On pouvait encore admirer les canonniers encadrer la procession jusqu'au début des années 2000, jusqu'à ce que celle-ci n'est plus lieu !
Depuis quelques années, Monsieur Morelle président d'honneur des canonniers tente de faire perdurer la tradition. Lors d'une séance de tir (4 coups chacun), ou l'ensemble des canonniers peu montrer son habilité, le vainqueur se voit remettre la patène pour une année.
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Ici, Joël LESAVRE le canonnier le plus adroit en 2007. | |
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La patène est une plaque en étain représentant St Hugues et St Achaire guérissant les enfants du mal de "frénésie" symbolisé par une araignée est remise chaque année au canonnier le plus adroit au tir au fusil.