En 1860, notre région connait un développement considérable du chemin de fer. La compagnie du Nord gère l'essentiel du réseau et privilégie la proximité des centres industriels pour l'établissement de ses lignes. A Haspres le maire Auguste Caullet, propriétaire d'une sucrerie au hameau de Fleury à bien compris les enjeux de ce nouveau moyen de transport et entreprend à plusieurs reprises des démarches auprès des Compagnies de chemins de fer.
Au sommaire :
» Le Camberlot
» La ligne de chemin de fer : Valenciennes - Le Cateau
» La ligne de chemin de fer à voie étroite de Haspres à Solesmes
» Le train, moyen de transport des ouvriers
Au lendemain de la guerre de 1870, l'insuffisance des transports se fait cruellement sentir dans la région. L'exploitation de la houille à Douchy et à Denain, le développement de la production d'acier, entrainent le déplacement de nombreux ouvriers vers les usines USINOR et les ateliers CAIL.
Les propositions de création de nouvelles voies de chemins de fer vont "bon train". Evoquons celle de Monsieur Dufrane, entrepreneur à Mons, déposée le 25 janvier 1870, qui projette d'obtenir la concession d'un chemin de fer d'intérêt local de Landrecies à Douai avec un embranchement d'Haspres à Denain et de Solesmes à Bertry. Les ingénieurs des ponts et chaussées font remarquer que la première partie de la ligne projetée relie, sans raccourcissement, deux villes, Douai et Bouchain, déjà réunies par un chemin de fer appartenant à la Compagnie du Nord. Cette proposition ne sera pas retenue.
En 1870, Auguste Caullet, maire, expose au conseil municipal le projet de concession de diverses lignes par la Compagnie des chemins de fer de Lille à Valenciennes, dont la ligne d'Anzin au Cateau. Il émet alors l'idée de modifier le tracé de cette ligne au départ de Raismes, de la diriger directement sur Denain, puis de suivre la vallée de la Selle jusqu'au Cateau. Ce train se souderait aussi au chemin de fer du Nord, soit à Lourches, soit à Somain par le chemin de fer de Denain et rien n'empêcherait de faire un embranchement sur Trith, en passant par Haulchin et Thiant.
Chemin de Valenciennes au Cateau :
L'avant projet, mis aux enquêtes, indiquait une ligne partant de Raismes, passant entre Hérin et la Citadelle de Valenciennes, par Trith Saint Léger, Thiant, Verchain, etc... Les observations déposées dans l'enquête ont suggéré à la commission d'enquête l'indication d'un autre tracé partant de Valenciennes, empruntant la ligne du Nord, de Valenciennes à Aulnoye, jusqu'au lieu dit le Poirier, commune de Trith, s'en détachant en ce point pour suivre la rive droite de l'Escaut, puis la vallée de l'Ecaillon, pour ce rendre ensuite dans celle de la Selle, vers Haspres et, comme cette direction ne desservait pas la commune de Trith Saint Léger, qu'on ne pouvait cependant laisser à l'écart, la commission a demandé l'établissement d'un embranchement prenant la rivière de l'Ecaillon, et se dirigeant par Trith vers Saint Waast.
source : Conseil Général du département du Nord, Rapport du préfet et procès verbaux des délibérations, session de 1871.
Auguste Caullet ajoute que cette ligne ne tirerait pas tous les avantages sans aucun détour par la vallée de la Selle. Pour cela un tableau synthétique de l'activité et de la population des différents villages de cette ligne est alors effectué :
1) Douchy (la population n'est pas indiquée), possédant un charbonnage, un moulin à farine, une fabrique de sucre et un atelier de chaudronnerie en fer et cuivre.
2) Noyelle sur Selle (la population n'est pas indiquée), possédant deux moulins à farine, une fabrique de chicorée, trois brasseries et deux fours à chaux.
3) Haspres, village de 3500 habitants (!) où se trouve deux fabriques de sucre, trois moulins à farine, cinq brasseries, un four à chaux, une carrière de pierre blanche et divers ateliers de tissage occupants 1500 ouvriers pour Roubaix, Tourcoing, Cambrai et Valenciennes. Le chiffre annoncé par le conseil municipal m'a toujours étonné. Effectivement l'observation de l'évolution démographique à Haspres permet de s'interroger sur la véracité de ce chiffre. L'intêret du chemin de fer à cette époque pour une commune comme Haspres a sans doute entrainé quelques latitudes de ce genre.
Saulzoir - 2430 hab, Haussy - 3350 hab, St Python - 2327 hab, Solesmes - 6230 hab, Quievy - 3578 hab, Viesly - 3136 hab, Neuvilly - 2500 hab, Enfin le Cateau avec 9974 habitants.
Il faudra attendre encore un peu.
Dans un monde ou tout s'accélère, il fallait bien sur, acheminer les hommes vers les usines, mais également transporter les marchandises. C'est alors qu'en 1878, trois ingénieurs de la Société de Chemins de fer à voie étroite du Cambrésis : Chevalier, Lambert et Rey demandèrent une concession en vue de la création d'un réseau de tramway à vapeur et à voie étroite centré sur les villes de Cambrai, Saint Quentin et Denain. Dans le parcours de la ligne de Denain au Catelet, la voie ferrée projetée traverserait ou toucherait 15 agglomérations réunissant ensemble une population de 44.672 habitants, ainsi répartie :
Délibération du conseil municipal d'Haspres du 4 avril 1878, présidé par Auguste Caullet :
"Le maire communique au conseil les propositions de la compagnie des chemins de fer à voie étroite du Cambrésis, laquelle projette d'établir une voie ferrée de ce genre à section d'un mètre de Saint Quentin dans l'Aisne à Denain dans le Nord, en passant par le Catelet, Caudry, Quievy, Saint Aubert, Villers en Cauchies, Haspres, etc..."
"Cette compagnie sollicite le concours moral et financier des communes, que le projet doit desservir, ainsi que celui du département et de l'état au termes de la loi du 12 juillet 1868."
Après examen de cette proposition, le conseil emet immédiatement un avis favorable, et emet le voeu que le conseil général du Nord et l'état s'accordent aussi promptement que possible à accorder la concession demandée par la société du Cambrésis. En se réservant toutefois de se prononcer ultérieurement sur la demande de subvention à réclamer à la commune d'Haspres, tant que le tracé et les termes du projets ne soient pas abouti.
Finalement le tracé fut modifié et c'est de Villers en Cauchie via Avesnes Le Sec que la ligne fut établie.
L'avant projet
Comme nous l'avons vu plus haut, l'avant projet, proposait en 1871, le départ de la ligne de Raismes, sur le chemin de Lille à Valenciennes, croisait, le chemin de fer d'Anzin à Somain, puis descendait vers l'Escaut pour venir passer près de Trith Saint Léger, traversant la vallée de l'Escaut, remontant vers l'Ecaillon en se tenant sur la rive droite, pour enfin prendre la direction de la vallée de la Selle jusqu'au Cateau. Ce tracé souleva de nombreuses oppositions. Les ingénieurs modifièrent alors ainsi le projet. La ligne part du Poirier, situé sur le chemin de fer de Valenciennes à Aulnoye, remonte la vallée de l'Escaut sur la rive droite jusqu'à Thiant, entre dans la vallée de la Selle jusqu'à Hasnon, où elle rencontre le tracé primitif. Après négociation entre les autorités de Valenciennes et les représentants des grandes compagnies industrielles, le tracé de la ligne depuis le Poirier jusqu'au Cateau par la vallée de la Selle, en prenant par Haspres, Saulzoir et passant entre Saint Python et Solesmes est maintenu.
Toutefois, certains proposent de reprendre le tracé par la vallée de l'Ecaillon, plus court, et desservant néanmoins Saulzoir et Haspres, par un embranchement, qui irait rejoindre le chemin de Somain à Busigny. Jugée trop couteuse, cette option est abandonnée, au profit d'un tracé plus long par la vallée de la Selle, moins couteux et a l'avantage de servir Saulzoir (2400 habitants) ou une importante sucrerie est en cours de construction et Haspres qui compte 3.000 habitants.
Le projet se concrétise
C'est en février 1879 lors d'une séance du conseil municipal que le maire Auguste Caullet informe que le futur tracé de la ligne de chemin de fer Valenciennes - Laon, envisage de traverser le territoire d'Haspres. Il rappelle qu'a cet effet il serait d'utilité publique d'obtenir au centre du village une gare en rapport avec l'enjeu.
Le projet est déclaré d'utilité publique par la loi du 7 avril 1879. L'infrastructure de la ligne de Valenciennes au Cateau sera établi à deux voies. Les stations indépendamment des gares de Valenciennes, de Solesmes et du Cateau seront : Trith Saint Léger, Prouvy, Thiant, Haspres, Saulzoir, Haussy et Neuvilly. Précisons que la surface acquise pour toute la ligne est de 118 hectares, 70 ares et 30 centiares pour un prix total de 1.344.636 francs. Ce prix donne une moyenne à l'hectare de 11.066 francs et une moyenne kilométrique de 38,975 francs. On espère alors pouvoir livrer à l'exploitation vers la fin de l'année 1882 la partie de la ligne de Valenciennes au Cateau comprise entre Solesmes et le Cateau, et au milieu de l'année 1883, la partie comprise entre Valenciennes et Solesmes.
Le tracé
Le chemin de fer de Valenciennes au Cateau prend son point de départ sur la ligne de Valenciennes à Aulnoye, à 2.166 mètres de l'axe du bâtiment des voyageurs de la gare de Valenciennes. Il traverse en biais le canal de l'Escaut, se dirige vers Trith Saint Léger, passe dérrière ce rivage et arrive à Prouvy, où il franchit de nouveau l'Escaut. Le tracé s'élève ensuite pour atteindre le faîte séparatif des vallées de l'Ecaillon et de la Selle, descend à Haspres, passe à Saulzoir, à Haussy et se raccorde avec la ligne de Cambrai à Dour avant d'arriver à la station de Solesmes. Les deux lignes se séparent après le pont de la Selle situé à la sortie de cette station et le tracé vers le Cateau suit la route départementale n°10, passe à Neuvilly, franchit le ravin et le ruisseau de Richemont, à Montay, et se raccorde avec la ligne d'Erquelines à Paris, à 385 mètres de l'axe du bâtiment des voyageurs de ma gare du Cateau. Le parcours total de la ligne entre les axes des bâtiments des voyageurs de Valenciennes et du Cateau est de 38 kilomètres.
Haspres est enfin raccordé au chemin de fer
Haspres avec ses 3000 habitants est alors la commune la plus populeuse et la plus industrielle parmi celle que doit traverser le chemin de fer en question à partir de Valenciennes jusqu'a Solesmes. Haspres compte alors deux fabriques de sucre, trois moulins à farine, cinq brasseries trois fours à chaux, diverses carrières de pierres blanches, trois tissages mécaniques et environ huit cents métiers travaillant pour Roubaix - Tourcoing, Armentières et autres villes.
Toutes ces industries devraient permettre un énorme trafic sur cette voie, tout en en permettant aux usiniers de cette région d'augmenter leurs chiffres d'affaires en rendant leurs transactions moins couteuses, plus faciles et plus expéditives. De plus cette gare permettrait de desservir à la fois Haspres, Avesnes le sec, Villers en Cauchies, Saulzoir, Verchain, Monchaux et Noyelles sur Selle, villages à peine distant de cinq kilomètres d'Haspres et déshérités de toutes voies ferrées.
Les chantiers de terrassement débutent en 1880.
Emplacement d'une gare
Dés octobre 1879, l'étude du tracé indique que la gare devra s'établir sur cette voie au Nord d'Haspres vers le chemin de Thiant. L'emplacement étant parfaitement situé pour desservir l'ensemble de la commune, reste à débattre du chemin d'accès a cette gare. Le chemin de Thiant seul chemin pour ce rendre à la station est étroit, sinueux et tortueux, donc trop dangereux à la circulation. La création d'une nouvelle rue plus directe est donc également adjugée nécessaire pour ce rendre à la gare.
Les travaux débutent en 1882 et se terminent la même année.
La ligne Valenciennes - Le Cateau fut mise en service en 1884.
La Halte de Fleury
Notons au passage qu'en 1887 Auguste Caullet (maire d'Haspres de 1867 à 1884), propriétaire de la ferme de Fleury, avait réussi grâce à ses interventions auprès des chemins de fers du Nord à créer la Halte de Fleury en cédant une partie de ses terres nécessaire à la construction de la station.
La réponse du 5° bureau quelques jours plus tard :
La fin d'une époque
Les trains cessèrent de circuler à Haspres au début des années 1970, remplacer par des lignes d'autocars plus rentables.
Dans les années 1990, le vieux pont étranglant la rue de Valenciennes est démonté pour permettre la réfection de la route reliant Haspres à Monchaux. Notons au passage que quelques décennies après rien n'a changé !
En 2009, le pont du chemin de Thiant existe toujours, témoin d'un riche passé ferroviaire.
En août 1887, la chambre de commerce de Valenciennes présente un premier avis favorable à l'établissement d'une ligne de chemin de fer d'interêt local à voie étroite (appelé ainsi du fait du faible écartement des voies), avec comme point de départ la gare de Prouvy - Thiant.
En mars 1891 la société des chemins de fers économique du Nord présente le projet. Le tracé adopté en 1887 est modifié, le tronçon de Thiant à Verchain est abandonné, au profit de la gare d'Haspres qui servira de raccord au réseau principal.
La nouvelle ligne de 22 kilomètres d'Haspres à Solesmes dersservira les communes de la vallée de l'écaillon.
Le 12 août 1893, est promulguée une loi qui déclare d'utilité publique l'établissement, dans le département du Nord, d'un réseau de Chemins de fer d'intérêt local, à voie d'un mètre de largeur entre les bords intérieurs des rails, comprenant les lignes :
1 - Haspres à Solesmes, par Escarmain;
2 - Solesmes à Quiévy, vers Caudry,
par Briastre et Viesly;
3 - Solesmes à Landrecies, par Bousies;
4 - Et Landrecies à Avesnes, par Maroilles, Cartigny et Etroeungt.
La concession est délivrée à la société des chemins de fer Economiques du Nord pour un coût maximum d'établissement de 53.000 francs par kilomètre.
La ligne franchit le pont du chemin de Thiant, puis sur celui de la rue de Valenciennes, et oblique par la gauche en direction de la Croix Louis pour atteindre les gares de Verchain, Vendegies, Bermerain, Saint Martin, Capelle, Escarmain, Vertain, Romeries et Solesmes.
Le train, appelé tortillard, circule sur cette voie à faible vitesse (environ 30 km/h). On le surnomme "El Tiot train d'Happe". A son passage les gens chantent :
La gare du tiot train d'Happe, se situe face à la grande halle de l'autre coté de la ligne principale. On trouve encore des traces de ses fondations aujourd'hui.
En 1908 pour permettre la construction le chemin de fer d'interêt local d'Haspres à Solesmes, le Département du Nord décide d'acquérir par voies d'expropriation à l'amiable les terrains utiles à l'établissement de cette ligne. La ligne est mise en exploitation à partir de 1909.
En 1914, la ligne d'un faible interêt économioque n'est pas maintenue. Le mécanicien est mobilisé par l'autorité Allemande.
En 1916, la ligne est déclassée et démontée.
En octobre 1918, lors de leur retraite, les allemands dynamitent la gare et les ponts de chemin de fer.
La guerre terminée, on reparle de sa reconstruction. Toutefois, le sujet fait polémique. Le tracé en "cul de sac", les caractéristiques "à voie étroite" et sa rentabilité sont très critiqués. Certain, souhaite que le tracé aille jusqu'à Denain, au centre du bassin houiller, de façon à permettre d'alimenter tout le réseau du groupe du sud sans avoir à opérer une correspondance à Haspres.
En 1919, il est question de modifier sensiblement le tracé entre Solesmes et Verchain. A partir de ce point, la ligne est modifiée. Au lieu de se raccorder à la gare de Haspres, à la ligne de Valenciennes au Cateau, elle rejoint la ligne de Thiant à Lourches, à proximité d'Haulchin.
En 1920, on parle de le reconstruire à voie normale, de prolonger la ligne d'Etroeungt à Fourmies, de confier l'exploitation aux communes. Cependant, face à la concurrence des transports routiers, toutes ces tergiversations ne menent à rien.
Les guides bleus indique en 1921, le trajet de Paris à Valenciennes, par le Cateau et Solesmes : 212k, Haspres, 2941 habitants, relié également à Solesmes par un tram vapeur, non rétabli en 1921.
En 1927, la municipalité tente bien de relancer le projet, ainsi Jean Baptiste Marouzé propose d'employer les chômeurs à l'entreprise de reconstruction de la ligne.
En 1936, la ligne de chemin de fer à voie étroite est déclassée. La revente des parcelles obtenu autrefois par expropriation est proposée aux anciens propriétaires !
En 1937, le projet est définitivement enterré suite à la note de Monsieur Duval, ingénieur des ponts et chaussées : Les dépenses engagées pour la reconstruction du groupe sud s'élevent à 15.800.000 francs, et que les dépenses faites sur la section Croix - Forest - Etroeungt est de l'ordre de 14.300.000 francs, dont l'utilité des travaux reste à démontrer. Le montant des travaux encore a éxécuter est de 8.350.000 francs. Durant tout ce temps, les bâtiments se sont dégradés, les tranchées se sont comblées, entrainant des frais supplémentaires.
Chaque matin, les ouvriers empruntent la ligne de chemin de fer pour se rendre à l'usine.
Les ateliers Usinor sont installés tout le long de l'Escaut à Trith Saint Léger (anciennes forges et acieries du Nord de l'Est), Denain et Anzin.
L'atelier Lorraine Escaut située dans une ancienne briqueterie à Saulzoir fabrique des produits réfractaires pour ses installations métallurgiques.
La main d'oeuvre hasprienne est également nombreuse à se rendre à l'atelier Cail situé à Denain et la boulonnerie de Thiant (Eternit).
Peu à peu des transports d'autocar sont mis en place par les grosses entreprises afin de réduire au maximum la durée des déplacements de ses ouvriers.
La gare d'Haspres distribuait en moyenne 350 cartes hebdomadaires après la guerre, ce chiffre est réduit à 50 en 1963.