L'approche de l'an 1000 ne ce fait pas sans une grande et vive inquiétude. En effet à cette époque une croyance générale pensait que le monde allait se terminer en l'an 999. Une fois encore ce nouveau millénaire allait être remplit de nombreux incidents, ainsi que de guerres opposants différents seigneurs de la région.
Au sommaire :
» La peste ravage le Hainaut
» La prévôté est rattachée à l'abbaye de Saint Vaast
» Nouvelles luttes entre Richilde et Robert le Frison
» Le très controversé tournoi d'Anchin
Après les ravages causés par les différentes invasions du siècle précédent, Bauduin Belle Barbe, Comte de Flandre crée la fonction de bailli chargée de la justice. Il divise la Flandre en Chatellenies chacune confiée à de preux chevaliers possédant des milices de villages armées d'arcs et de piques. A cette époque Haspres fait partie de la Chatellenie de Bouchain, contrôlée par les seigneurs de Bouchain (anciens comtes d'Ostrevant).
En 1008, le Hainaut est ravagé par la peste. Haspres n'est sans doute pas épargné par ce fléau. A Valenciennes la peste tue plus de 8000 Valenciennois. Les habitants désespérés prient la vierge Marie. Suivant la légende, le 31 août la Sainte Vierge touchée par les prières, apparait alors à un ermitte dénommé Bertholin, vivant à Fontenelle, un hameau situé en bordure de l'Escaut entre Maing et Trith Saint Léger. "Va, lui dit elle, va trouver mon peuple de Valenciennes....La nuit qui précèdera la fête de la nativité, mon peuple saura que j'ai entendu ses cris de détresse. Que mes serviteurs se rendent alors sur les remparts de la ville, ils y verront des merveilles". Le 7 septembre les Valenciennois tous rassemblés virent alors la Vierge Marie tenant une pelote de Cordon écarlate qu'elle donna à un ange pour entourer la cité. Elle leur demanda de suivre en procession le tracé du Saint Cordon chaque 8 septembre, ce que les habitants font depuis cette date.
La mortalité fut si grande durant cette douloureuse période, que l'on jetait pêle mêle, dans des fosses communes les mourants avec les cadavres.
En 1024, Gerard évêque de Cambrai et d'Arras constatant l'oubli des règles et la discipline monastique des moines de la prévôté d'Haspres, (sans doute lié à l'éloignement de l'abbaye de Jumièges) engage l'abbé Leduin de St Vaast. Celui ci est invité à négocier l'échange de la prévôté d'Haspres contre le prieuré d'Angicourt dans l'Oise. Après une période de réticence, Gérard ayant menacé d'employer la force, l'échange est consenti par Théodoric l'abbé de Jumièges, en présence de Robert roi de France, de Bauduin comte de Flandre et Richard sans peur, comte de Rouen et Duc de Normandie.
Treize années plus tard le successeur de Théodoric demande à l'abbé de St Vaast de procéder au rachat définitif de la prévôté d'Haspres. A cette occasion un bras des reliques de Saint Hugues et Saint Achaire aurait été donné pour conclure l'achat. Les bras enlevés au deux saints auraient alors été transportés dans l'église d'Arras.
Vers 1050, l'abbé Leduin travaille activement a remettre la prévôté d'Haspres en bon état de fonctionnement. Il fait ériger à l'entrée de la prévôté une haute et imposante tour servant de donjon pour la défense du lieu. Cette tour fut détruite en 1816 par l'armée Russe occupant alors notre village suite à la défaite de la Grande Armée à Waterloo. Ses matériaux servirent à la construction d'une caserne que l'on appelle aujourd'hui l'école des filles ou la salle du temps libre. Leduin construit également un cloitre (bien visibile sur la miniature réalisée par le Duc de Croy - voir chapitre sur la prévôté), et rabit l'église que l'on appelait jadis "la chapelle des religieux".
En 1051 Richilde, comtesse de Hainaut épouse Baudouin VI de Mons, comte de Flandre qui devient également comte du Hainaut. En 1070 Baudouin décède. De nouvelles luttes dans le hainaut vont opposer Richilde a Robert I° surnommé le Frison. Robert remporte une première victoire sur les hauteurs du mont Cassel, puis à Broqueroie près de Mons. Au terme d'une sanglante bataille Richilde est vaincue. Robert victorieux, dévaste tout le pays de la Sambre et s'avance vers la plaine de Denain. Il place non loin d'Haspres un garnison afin de protéger le passage du Hainaut.
Vers 1090, un nouveau fléau s'abat sur la contrée et principalement dans le Brabant. C'est la mal des ardents, maladie effroyable qui provoque chez les victimes des hurlements dont les clameurs épouvantes toute la région.
La fin du onzième siècle est marquée par le début des premières croisades. C'est aux alentours de 1096, pour l'inauguration du monastère d'Anchin, qu'Anselme II aurait organisé le très controversé tournoi d'Anchin, avec 300 chevaliers venus de l'Ostrevant, du Hainaut, du Cambrésis et du pays d'Artois. Notons au passage qu'un dénommé Amand seigneur d'Haspres aurait participé aux premières croisades.
L'abbaye d'Anchin : En 1079, une petite ile formée par la Scarpe et deux ruisseaux l'Ecaillon et le Bouchard sur le territoire de Pecquencourt, reçoit le nom d'Aqui cinctum (qui signifie entouré d'eau) que l'on traduit par le mot Anchin. Cette abbaye ralliée à l'ordre de Saint Benoit doit sa fondation à Gauthier de Pecquencourt et Sohier seigneur de Loos et de Courcelles. Cette ile appartient à Anselme, preux chevalier et Comte d'Ostrevant.
C'est aux alentours de la chandeleur 1096, pour l'inauguration du monastère d'Anchin, qu'Anselme II aurait organisé un gigantesque tournoi avec plus de trois cents chevaliers venus de toute la région. Le tournoi très en vogue à l'époque permettait aux chevaliers de s'exercer dans un simulacre de combat, devant une galerie élégante qui ne leur ménageait pas les applaudissements.
Bauduin II, Comte de Hainaut et Anselme de Ribemont, Comte d'Ostrevent ayant pris la Croix le 15 aout 1096, tous les chevaliers présents les imitèrent. Parmi eux, Amand, habitait la ville d'Haspres, et que, plus heureux que son suzerain, il aurait, après cette lointaine et périlleuse expédition, la chance de revoir ses foyers. En effet son figuerait sur une charte de l'abbaye de Marchiennes, portant la date du mois de mai 1122.
Selon Jean Baptiste Le Carpentier, une charte curieusement "jamais retrouvée" donnait même les noms des participants (c'est le cas pour Amand d'Haspres), tous les nobles chevaliers qui ont pris l'engagement de se croiser....
L'histoire de ce tournoi de 1096 serait donc un faux très habile du XVII° siècle.
E.A Escalier dans une démonstration parue en 1852 apporte des arguments favorisant cette affaire de faux :
"Aucun chroniqueur ou historien antérieur à Le Carpentier ne parle ni du fait du tournoi d'Anchin, ni de la charte en question, nulle part il n'y en est trace, souvenir ni mention, ni directement, ni indirectement."
"Monsieur Arthur Dinaux de Valenciennes, a reproduit cette traduction, qu'il a encadrée dans des considérations sur l'esprit chevaleresque de l'époque, et il l'a enjolivée de détails sur ce tournoi en particulier. JB Le Carpentier est le premier a révélé le fait d'un tournoi qui aurait eu lieu à Anchin, extrait d'une charte mentionnant ce fait qui aurait existé aux archives de l'abbaye d'Anchin."
E.A Escalier pose le problème en ce sens : "Mais, nous le demandons, si cette solennité a eu lieu en effet, s'il a existé un acte authentique aussi important, étendu, circonstancié et appuyé de l'autorité de près de trois cents noms les plus considérables du pays, est il vraisemblable que dans aucun écrit ancien ou monument quelconque, il ne se rencontre rien qui témoigne du fait et puisse cautionner la charte en question ?"
"Un pareil événement aurait été pour la contrée, et en particulier pour l'abbaye d'Anchin, un fait très considérable, qui aurait laissé dans le pays et surtout dans le monastère, à défaut même de titres écrits, quelque trace, quelque souvenir traditionnel."
E.A Escalier appuie sa démonstration en précisant : "Il est difficile de s'expliquer comment l'historien François le Bar, le savant prieur d'Anchin, vivant et écrivant dans l'abbaye même, à la fin du seizième siècle, non seulement n'a pas rapporté, sinon textuellement et intégralement, du moins en partie ou en substance cette fameuse charte, mais comment même il n'a fait mention d'aucun titre quelconque, ne fut ce que d'un souvenir ou d'une simple tradition orale."
Terminons ce chapitre en précisant que dans leurs histoire d'Iwuy, Dehaisnes et Bontemps mentionne d'autres erreurs de Le Carpentier : "Plusieurs fois Le Carpentier le nomme Gilles (au sujet de GERARD D'ECAILLON); mais c'est le résultat d'une erreur de copie. Il n'en est pas de même pour Gilles d'Iwuy, personnage imaginaire de son tournoi d'Anchin, qu'il confond d'ailleurs avec Gilles d'Ecaillon, qu'il a oublié de mentionner dans sa pièce de 1196......"
D'ailleurs il y aurait fort à parier sur la réelle existence de tous ces chevaliers.
Voila un chapitre bien long consacré à la mémoire d'un chevalier d'Haspres à qui il aurait suffi de consacrer quelques lignes. Toutefois la facilité de diffusion de l'information via internet mérite d'être précis dans les faits.
Sources utilisées :
- André JURENIL, Denain et l'ostrevant
- Charles Laurent, Histoire de la Franche Ville d'Haspres
- Le Carpentier, Histoire du Cambraisie
- A-G Dhullu, Comtes d'Ostrevent, généalogie de Haynin ou de Hennin
- Le tournoi d'Anchin (1079-1792) par EA.Escallier
- Abbés O.Dehaisnes et A.Bontemps, Histoire d'Iwuy