Autrefois on dénombrait dans la population Hasprienne grand nombre de "Mulquiniers". D'ailleurs un peu partout dans le village de nombreuses maisons gardent encore les stigmates de cette profession aujourd'hui disparu.
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Jean DAUBY dans son dictionnaire "le Rouchy", donne la définition suivante :
MUL(E)QUINIER, MARQUENIER, MURQUENIER :
Tisserand en batiste et linon. "Véronique est devenue la patronne des lingères et des mulquiniers"
On trouve dans la charte des mulquiniers de Valenciennes, vieux rouleau de parchemin : molekinier (1413), meullequinerie (1474).
Des traces de mulquinier, encore un peu partout sur les murs du village :
Qui n'a jamais remarqué dans les villages du Cambrésis particulièrement à Haspres, ces vastes ouvertures au bas des maisons, aujourd'hui transformées en soupiraux. Les murs construits en alternant quelques rangée de briques rouges avec une rangée de pierres calcaires blanches sont appelés : disposition en "rouge-barre"
La blocure : on dit à Haspres une bahotte
Celle ci a perdu sa fonction utilitaire : apporter la lumière au tisserand travaillant. La blocure est équipée à l'extérieur d'un volet permettant de fermer l'accès à la cave.
A l'époque, la majeure partie de la population s'adonne à cette activité épuisante. En effet le métier à tisser manuel fait travailler tout les muscles du corps et exige habilité et rapidité. Les marchands apportent la matière première à domicile et repartent avec le produit fini.
L'industrie textile, notamment celle du lin occupait une place prépondérante dans le département du Nord. C'était alors une activité prospère qui faisait vivre de nombreux corps de métier, entre autre fileuses, ourdisseuses, blanchisseuses, mulquiniers, etc...
Filature et commerce du fil de mulquinerie :
Le fil de mulquinerie était un fil de plus ou moins grande finesse qui n'était employé qu'à la fabrication des toilettes et de la dentelle. Le fil de lin avant d'être travaillé, était peigné à la brosse de soie de sanglier par la fileuse afin d'en retirer l'étoupe. Ce déchet appelé l'étoupe était filer plus gros et servait à la confection de toile de ménage ou linge de table.
Il est facile de comprendre que plus le fil était fin au départ, plus il donnait de longueur à l'arrivée, ce qui augmentait la plus value.
La filature pouvait ensuite commencer, on utilisait pour cela les rouets ou moulins. Le fil était ensuite ourdi pour pouvoir être vendu. La chaîne ourdi était confiée au mulquinier. L'ouvrier pour façonner sa toile utilisait l'otil, métier composé de quatre pieds, reliés par des traverses. Le tisserand pouvait ainsi produire dix a douze mètres de tissus sur sa journée. Les toiles achevées étaient ensuite portée au blanchisseur.
Les femmes étaient employées à ourler les mouchoirs à la main. Il s'agissait de border les mouchoirs par un ourlet à jours ou par un roulotté main.
Les toilettes de batistes et linons :
Introduitent au XIII° siècle par Baptiste Chambray, les fines toiles de lin, batiste et linon font la renommées Hainaut Cambraisis. On appelait toilettes les toiles connues sous le nom de batistes, gazes ou clairs à jour, linons ou clairs unis, pour lesquelles on n'emploie que le beau fil de mulquinerie. Les fabricants de Valenciennes disaient, c'est à St Amand que se cultive exclusivement ce superbe lin destiné à la fabrication des toilettes; C'est donc à Valenciennes qu'on a dû naturellement avoir la première idée de tirer parti de cette production précieuse.
Au contraire les fabricants de Cambrai, prétendaient être restés en possession de fabriquer ce qu'il y a de plus beau, de plus fin, non seulement en batistes, mais aussi en linons et gazes. Ce sont les pièces de la fabrique de Cambrai qui ont été encouragées par une médaille aux expositions nationales de 1800 et 1801, Cambrai doit donc prétendre à être le berceau de cette fabrique.
C'est en fait un nommé Batiste Cambrai, du village de Castaing (canton de Marcoing), qui tissa au XIVe siècle à Valenciennes les premières toilettes.
Du beurre dans les épinards :
Le métier de mulquinier était souvent une seconde occupation. En effet lors de la belle saison les gens travaillaient aux champs. L'hiver venu, ceux ci descendaient dans leurs caves ou était installé le métier à tisser. Alors que femmes et jeunes filles apportaient par leur travail au rouet leur contingent de bien être à la famille.
La cave, le meilleur endroit pour tisser :
Tous les locaux ne sont pas favorables au tissage du lin. Lorsque le fil est trop sec il casse, laissant des défauts dans le tissus. L'endroit le plus convenable de la maison est la cave, à cause de son humidité. Les mulquiniers possédent donc obligatoirement à l'aplomb de leurs habitations cette grande ouverture qui amène la clarté suffisante. Après le travail celle ci est fermée par des planches. L'accès a la cave se fait par les marches de l'escalier en pierres creusées en leur milieu, le sol est en terre battue et les murs régulièrement blanchis à la chaux. Le métier est installé de manière à ce que le tisserand placé le dos contre le mur reçoive l'éclairage directement sur l'otil. Lorsque le tisserand actionne son métier, on entend au dehors le "Tipe Tape Tipe Tape" caractéristique.
Sainte Véronique, la patronne des mulquiniers :
Alors que le Christ montait au calvaire, une femme nommée Séraphia sortie de sa maison pour apercevoir l'envoyé de Dieu. Lorsque Jésus, le visage couvert de sueur et de sang passa près d'elle, elle lui essuya le visage de son voile. Pour la remercier de son geste, Jésus reproduisit sa figure sur le voile qui fut appelé "Véronique", c'est à dire vraie image.
Suite à cela Séraphia décida de s'appeler Véronique, et les Chrétiens par la suite ne l'ont plus appelée autrement. C'est à cause du voile à l'empreinte divine que les fileuses, dévideuses, mulquiniers, blanchisseurs de toiles l'ont choisie pour patronne.
Sainte Véronique, patronne des tisseurs était célébrée autrefois deux fois par an une fois en été et une fois en hiver.
A l'issu d'une messe commémorative, les ouvriers tisseurs recevaient médailles et diplômes pour leur travail accompli.
Voici la liste des médaillés pour 1947 des établissements Béra :
50 ans de présence : M. Charles Henri Lamotte, 40 ans et plus de 30 ans : MM. Jean Baptiste Renaud, Domitien Gossuin, Georges Delattre, Charles Coquelet, Charles Noisette, Christophe Leriche, Julien Seuron.
20 et plus : Mme Belisée Lamand, Marie Laurette, Marie Watremez, Mairesse Héninot, Désiré Morelle, Irénée Morelle, Paul Sellier, Félix Penclet, François Lenglet, Charles Telle, Mme Germaine Raffy et Drancourt : MM Paul Morelle, Pierre Telle, Désiré Morelle.
La chanson du tisserand :
Le tisserand dès l'aube se démène;
Tout en croisant la trame avec la chaine,
Comment dit il, pourrai-je fuir la gêne ?
Et tipe - tape et tipe - tape,
Un fil cassé, du temps perdu
Comment pourrai-je avoir mon dû
I roun lan la?....
En poussant la navette, le beau temps viendra
Dans sa chaumière ou dans la grande usine
Il a toujours misère pour voisine
Même aux jours gras bien maigre est sa cuisine.
Et tipetape et tipetape,
Est il trop gros, est il trop fin,
Et les petits pleurant la faim,
Iroun lanla...
En poussant la navette,
Le beau temps viendra!
Il peut tisser velours, coton ou laine,
Pour le dimanche ou bien pour la semaine;
Il a beau faire, il est toujours en peine.
Et tipetape et tipetape,
Et couché tard, levé matin,
Ourdis la toile ou le satin,
Iroun lanla...
En poussant la navette,
Le beau temps viendra!
Le tisserand, malgré sa male chance,
Sait bien pourtant que le printemps s'avance,
Et dans son coeur tressaille une espérance.
Et tipetape et tipetape,
Au dur tapage des métiers
L'esprit voyage volontiers,
Iroun lanla...
En poussant la navette,
Le beau temps viendra!
Non pour lui seul, mais bien pour tous ses frères,
Les meurt de faim, les gueux, les pauvres mères,
Se lèvera l'aurore qu'il espère.
Et tipetape et tipetape,
Entends bruire la cité
Ou l'on travaille en liberté,
Iroun lanla...
En poussant la navette,
Le beau temps viendra!