Après l'invasion de 1914, tous les journaux de la région cessent de paraître. Très rapidement les autorités Allemandes souhaitent retourner l'opinion publique en faveur du Reich. Ainsi est crée en novembre 1914 le premier numéro de La gazette des Ardennes.
Le premier numéro parait le premier novembre 1914, c'est une petite feuille demi format, tirée à 4.000 exemplaires. Relatant dans un premier temps les communiqués allemands, et qualifié de "journal des menteurs", les ventes du journal ne progressent pas. Pour corriger cela, les allemands font appel à un journaliste français dénommé Prévost.
Celui ci reprend un style journalistique plutôt agréable et propose à la population la liste des prisonniers de guerre français. Cette idée va véritablement doper les ventes du journal, car les familles des régions occupées sont totalement isolées du monde extérieure.
La première liste de prisonnier (classement alphabétique et par camps) parait dans le numéro 35 du 2 avril 1915. Vient ensuite la liste des tombes des soldats français répertoriés par les services allemands, puis à partir du 24 décembre 1915, le journal donne des nouvelles des provinces occupées.
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Sur ce document nous retrouvons les noms des soldats du 26° RIT tués et inhumés à Haspres lors de la bataille du 25 aôut 1914. | |
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Toujours pour accroitre les ventes de la Gazette, l'état major allemand décide de forcer les mairies à acheter le quotidien, ainsi les tirages évoluent de 4.000 exemplaires à 175.000 exemplaires en 1917.
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Haspres pendant l'occupation, vu par la Gazette des Ardennes, numéro 402 paru le 22 mai 1917. | |
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Ernest Lestoille, ancien maire de la commune, réalisa durant l'année 1916 une chronique journalière des évenements. Ceux qui ont eu la chance de le consulté, relate que ce livre "mémoire" comporte des articles du journal de la "Gazette des Ardennes". Les informations relatées par ce journal semblent fiables, car elles sont recoupées avec les délibérations du conseil municipal (malheureusement les registres des deux guerres ont mystérieusement disparus !).
Comme tout quotidien, la gazette comprend un article de fond, puis les bulletins officiels allemands et autrichiens, ainsi que les communiqués français et anglais. Pour divertir les lecteurs on trouve également un feuilleton emprunté aux journaux parisiens. Son succés est suffisant pour que suive une version illustrée qui paraitra de 1915 à 1918.
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Numéro 56 de l'edition illustré de la Gazette des Ardennes du 21 janvier 1918 : Une rue à Solesmes (59730). | |
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Bulletins officiels anglais (front occidental), Londres, 12 octobre 1918.
Hier au soir, nous avons continué à progresser au nord de la Sensée. Nous avons conquis les villages de Hamel, Brebières et Cuincy. Nous troupes se trouvent à l'est de Hénin Liétard et aux abords ouest d'Annay. En dehors de combats locaux, rien n'est à signaler sur le reste du front.
Aujourd'hui, sur la ligne de la Selle, entre le Cateau et Solesmes, des combats locaux ont eu lieu. Au Nord-Ouest de Solesmes, nous avons progréssé régulièrement, au cours de la journée, vers la vallée de la Selle. Nous avons repoussé les arrières gardes ennemeis des villages de Saint Vaast, Saint Aubert, Villers en Cauchie et Avesnes le Sec.
Plus au nord, nos troupes ont néttoyé la rive ouest du canal de la Sensée, entre Arleux et Corbehem, dont nous nous sommes emparés, et nous approchons de près la ligne du canal de l'ouest de Douai.
Dans le secteur à l'est de Lens, nous avons pris Montigny, Harnes et Annay. Sur tout ce front, il y eut de violents combats locaux, au couirs desquels nous avons infligé d'énormes pertes aux arrières gardes ennemies et fait des prisonniers.
Bulletins officiels allemands, 13 octobre 1918.
Théatre de la guerre à l'Ouest, groupe d'armées du Kronprinz Rupprecht :
Au secteur du canal de part et d'autre de Douai, et au bord Est de cette localité, nous sommes en contact de combat avec l'ennemi. Douai a considérablement souffert du feu d'artillerie ennemi et des bombes d'aviateurs. Au Nord-Est de Cambrai, nous nous sommes, dans la nuit du 12 au 12 octobre, quelque peu ecartés de l'ennemi. Ce dernier nous a suivis hier à midi, et se trouvait, dans la soirée près d'Avesnes le Sec et sur les hauteurs de la rive Ouest de la Selle, près de Saulzoir et Haussi.
De grand matin, violente lutte d'artillerie de part et d'autre du Cateau. Entre Solesmes et le Cateau, l'ennemi attaqua avec de grandes forces; il réussit à pénétrer dans nos positions de part et d'autre de Neuvilly. Notre contre attaque, préparée par une très forte action d'artillerie, fut couronnée de succés et rejeta l'ennemi. Une attaque partielle, renouvelée dans la soirée près de Briastre pour percer le front, fut repoussée.
Bulletins officiels anglais (Front occidental), Londres, 13 octobre 1918.
A l'est du canal de l'Escaut, nous nous sommes emparés du village de Montrecourt et nous avons atteint la lisière de Lieu Saint Amand. Dans le secteur de Douai, nos troupes sont maintenant à quelques centaines de mètres de la ville et elles ont pris le faubourg d'Esquerchin, la prison de Douai, et plus au nord, la plus grande partie de Flers à l'est d'Annay, nous avons progréssé le long de la rive sud du canal de la Haute Deule, vers Courrières.
Au cours de la journée les engagements locaux entre nos détachements avancés et ceux de l'ennemi ont continué sur la ligne de la Selle. Nos têtes de ponts dans le voisinage de Solesmes ont été élargies et nous avons fait des progrès sur la rive ouest de la rivière, aux environs de Haussy et de Saulzoir. Un combat local a également eu lieu près de Lieu Saint Amand. Nous avons fait des prisonniers. De bonne heure, ce matin, nos éléments avancés ont réusii à traverser le canal de la Sensée à Aubigny au Bac, faisant près de deux cents prisonniers, mais de fortes contre-attaques les ont empêchés de maintenir leurs positions. Au nord-ouest de Douai, nos troupes ont continué leur avance. Nous tenons Courcelles lez Lens et Noyelle Godault; Nous approchons de la ligne du canal de la Haute Deule sur tout le front entre Douai et Vendin le Viel. Au cours des opérations dans ce secteur, nous avons fait un grand nombre de prisonniers.
Bulletins officiels allemands, 14 octobre 1918.
Théatre de la guerre à l'Ouest, groupe d'armées du Kronprinz Rupprecht :
Des poussées de l'ennemi contre le front du canal de part et d'autre de Douai furent rejetées. L'ennemi qui avait passagèrement pénétré dans Aubigny au Bac, en fut rejeté par contre attaque. Au Nord-Est de Cambrai, de fortes attaques anglaises échouèrent entre Bouchain et Haspres. Au sud de Solesmes, nous vidâmes un nid d'anglais qui était encore demeuré à la suite des dernières attaques.
Bulletins officiels anglais (Front occidental), Londres, 14 octobre 1918.
Hier après midi l'ennemi a ouvert un violent bombardement sur un large front au nord du Cateau. Appuyées par ce feu d'artillerie, de fortes attaques d'infanterie ont été lancées contre nos positions à l'est de la Selle aux environs de Solesmes. Nous avons repoussé ces attaques avec succès, après de durs combats. D'autres attaques, au cours des quelles l'ennemi s'est servi de tanks pour appuyer l'assaut de son infanterie, ont été lancées hier contre nos positions en face de Haspres, mais sans succès pour lui. Au cours de la journée d'hier et de la nuit, nos patrouilles ont continué à avancer sur différents points au sud et au nord de Douai; elles ont gagné du terrain et fait des prisonniers.
Sur le front britannique, au sud de la Lys, rien à signaler en dehors d'actions locales. Nos patrouilles et détachements avancés on été actifs. Ils ont progréssé en certains endroits et fait un certain nombre de prisonniers. Des combats locaux ont eu lieu dans le voisinage d'Erquinghem et au sud de Wez Macquart, à la suite desquels nous avons fait quelques prisonniers.
Bulletins officiels allemands (Grand Quartier Général), 21 octobre 1918.
A l'est de Courtai, l'ennemi poussa au delà de Derlyk et Zweveghem. Sur les hauteurs à l'ouest et au sud-ouest de Vichte nous arretâmes ses attaques. Au Nord de l'Escaut, nous repoussâmes l'ennemi devant nos lignes. Au nord de Tournai, l'adversaire a atteint l'Escaut.
Au Sud de Tournai, nous étions en contact avec lui sur la ligne Saint Amand, Est de Denain et sur les hauteurs à l'est et au Nord Est d'Haspres.
De part et d'autre de Solesmes et de le Cateau, les anglais attaquèrent hier avec de grandes forces, en élargissant les attaques qu'ils avaient menés le 17 et 18 octobre entre Le Cateau et l'Oise. Entre Sommaing et Vertain, leurs attaques s'affaissèrent sous notre action défensive, sur les hauteurs à l'ouest de la dépression de l'Harpies.
De part et d'autre de le Cateau, nous avons, en général, maintenu nos positions dans un dur combat. La 44° division de réserve Brandebourgeoise, sous le commandement de major général Hass, s'est particulièrement distinguée ici. L'attaque de l'ennemi, entreprise avec de grands moyens, a ainsi échoué devant l'endurance de notre infanterie, activement soutenue par l'artillerie, sur tout le front, large de 20 kilomètres, exception faite d'un gain de terrain limité de l'adversaire.
Le 8 novembre 1918 parait en France le dernier numéro (773) de la gazette, car il est prévu de déménager l'impression à Francfort.
La collection compléte de la Gazette des Ardennes est accessible sur le site de l'université d'Heildelberg, en Allemagne : http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/digi/feldzeitungen.html
Sources utilisées :
- Magazine Tranchées N°1 (avril - mai - juin 2010)