Au sommaire :
» Les origines de la bière
» Les brasseries à Haspres
» Une boisson taxée
» Le XX° siècle
La bière est une boisson aussi vielle que le monde, son origine remontrait à la plus haute antiquité. Son invention semble liée avec celle du pain. En effet on retrouve dans la bière et le pain les mêmes ingrédients de base, ainsi que le même mode de fabrication. Tous deux sont fabriqués à partir de céréales broyées, puis brassée pour la bière ou pétrie pour le pain. La différence tient à la quantité d'eau plus importante pour la bière. Enfin les deux mixtures obtenues subissent une période de fermentation (plus longue pour la bière), qui peut être générées par les mêmes levures.
La bière est très appréciée chez les Celtes comme chez les Gaulois, elle est symbole de force et d'immortalité. Elle prend le nom de cervoise sous les Gallo Romains. Il semblerait que c'est à l'époque Gallo Romaine que le Nord de la France se spécialise dans la production de bière.
Peu à peu la bière est aromatisée de plantes ou d'épices. C'est dans les monastères du moyen age qu'est apparut l'utilisation du houblon dans la fabrication de la bière. A Haspres ce sont probablement les moines de la prévôté qui deviennent les premiers maîtres brasseurs. Les moines vivant en milieu clos, brassent pour leur propre consommation, tout en évitant de payer au Seigneur de la région le droit de cambage, taxe sur la bière au moyen âge.
Grâce à leur nombreuses terres cultivables les moines de la prévôté détiennent le monopole de la production de bière à Haspres. Ils cultivent l'orge nécessaire à la fabrication du malt. En l'absence de houblonnière à Haspres, l'orge est échangé avec les communes productrices de houblons. Les moines brasseront ainsi jusqu'à la révolution.
A l'époque la consommation du vin était très importante. Cela doit probablement s'expliquer du fait de qualité saumâtre de l'eau. Des textes du XI° siècle prouvent que la vigne était cultivée à Haspres. Cependant les historiens s'interrogent comment celle ci a disparu et comment la bière a remplacée le vin.
Dans l'Histoire des métiers de Valenciennes et de leurs Saint Patrons, l'abbé Cappliez écrit au sujet de la corporation des brasseurs ou cervoisisers : "Toutes espèces de bières n'étaient pas taxées dans le Hainaut : la forte bière, celle qu'on brassait avec du houblon, du grain et au premier bouillon, était la seule qui fut sujette à l'impôt, quant à la petite bière qu'on faisait, non plu de grain et de houblon, mais d'une seconde eau jetée sur la drache ou marc de la première bouillie à nouveau, elle avait toujours été affranchie de tous droits et cela parce qu'elle était la boisson des ouvriers et des pauvres."
"Au corps de métier des brasseurs se rattachaient les brouetteurs, établis en 1523, qui conduisaient la bière de chez les brasseurs au domicile des particuliers. Leur costume était un habit veste de toile blanche, le bonnet de laine écarlate et les jambes chaussées de guêtres qui s'attachaient avec des cordons au dessus du genou et au dessus de la cheville. Ils conduisaient la bière à bras sur un chariot à deux roues dans le genre de ceux dont se servent encore aujourd'hui les commissionnaires. Les brasseurs et tous ceux qui se rattachaient à cette communauté avaient pour patron Saint Arnould et la chapelle du métier était Notre Dame de la chaussée où ils célébraient leurs offices."
Pour la majorité des foyers, la soif est étanchée avec l'eau des puits, dont on garde un seau plein en permanence derrière la porte de chaque maison. Cette eau, parfois impropre à la consommation est à l'origine de nombreuses maladies. Très vite la bière devient la boisson favorite du peuple. Le vin n'est pratiquement consommé que chez les bourgeois. Cependant la bière reste chère, les familles les moins aisées se contentent de boire la petite bière, celle que l'on fabrique dans une "bouleuse" à partir d'une décoction d'orge germé. La vraie bière, dite cabaretière ou bourgeoise, n'est vendue que dans les estaminets où les porteurs la livre en "demi tonne" à l'aide d'un tinet.
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Transport du tinet face au café de la mairie, jouxtant à l'actuelle école face au monument aux morts. | |
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En observant les relevés AGFH de 1737 - an XIV on relève plusieurs brasseurs à Haspres : Marc Aloucherie - brasseur, Jean Colin - manouvrier puis brasseur, Jacques Cossiaux - brasseur, Jean Baptiste Mercier - mulquinier puis brasseur, Jacques Molet - batteur en grange; mulquinier; brasseur, Guillaume Molet - brasseur, Nicolas Renault - brasseur et fermier, Jean Baptiste Renaut - cultivateur, brasseur, la brasserie de Jean Noël PORTE qui apparait sur le plan du terrier d'Haspres de 1759 situé près du pont de l'abreuvoir.
Après la révolution de 1789 et le départ des moines, l'activité de brasseur (plutôt artisanale qu'industrielle) va être reprise par les paysans les plus aisés d'Haspres. Leurs installations et leur nombre va provoquer une certaine émulation entre fabricant.
Le terme octroi était autrefois employé pour signifier une attribution, un don, une concession, une allocation. Aujourd'hui il est plus opportun de parler de prélèvement fiscal. Il s'agit, à l'origine de taxes "assises" (pour désigner les droits de consommation) sur des biens de consommation tels que la bière et le vin.
En 1789, la suppression de l'octroi fut l'une des principales revendications des cahiers de doléances au même titre que la gabelle et autres droits sur les boissons.
La loi des 19-25 février 1791, mis un terme (de courte durée) à l'octroi en même temps que le monopole des tabacs. Sous le directoire, très vite, les octrois réapparurent au prétexte de l'incapacité des municipalités d'honorer leurs obligations de bienfaisance, en particulier d'assurer l'entretien des hospices. Une façon d'humaniser l'imposition !
Le 20 octobre 1806, un arrêté de POMMEREUL Général Préfet du Nord fixe un octroi de bienfaisance (1) à raison de 50 centimes par hectolitre de bien forte, par suite du déficit des comptes de la commune. Rapidement cette mesure agite le conseil municipal qui, le 19 janvier 1807, répond au préfet que la commune est taxée à 1,50 centimes par hectolitre de bière forte, 25 centimes par hectolitre de petite bière avec ébullition, 5 francs par hectolitre de vin et 10 francs par hectolitre d'eau de vie, genièvre et liqueur.
Le conseil ajoute : "L'impôt sur les boissons était de toutes les taxes qui existaient avant la révolution, celle qui pesait plus particulièrement sur la dernière classe du peuple, et Napoléon n'aurait pas dû oublier que cet impôt avait été une des premières causes de l'insurrection de 1789. Le directoire se borna à créer en droit d'octroi municipal et de bienfaisance, dont le produit était uniquement destiné à l'entretien des hospices (hôpitaux de Paris) (2)"
Le maire demande de s'en tenir à l'arrêt initial, voir l'exemption de cet octroi étant donné que les recettes peuvent couvrir les dépenses.
(1) Les lois du 11 frimaire an VII, 27 frimaire et 5 ventôse an VIII, contenaient les dispositions sur les octrois, lois voulant pourvoir aux besoins des communes.
(2) Les produits sont destinés à l'entretien des pauvres, aux frais du culte, au traitement de ses ministres, à la réparation des églises, presbytères, chemin et autres dépenses annuelles et au paiement des dettes arriérées de la commune.
L'annuaire Bottin de 1884 révèle les brasseries suivantes : Breucq, Cossiaux, Charles Lestoille, F.Lestoille.
Au début du XX° siècle, on relève 243 brasseries dans l'arrondissement de Valenciennes, dont 5 à Haspres :
- la brasserie des Lestoille installée depuis 1808 dans les locaux de l'ancien relais de poste, comme l'atteste une plaque scellée dans le mur du magasin huit à huit encore visible de nos jours (photo ci dessus).
- La brasserie Breucq installée face à la mairie et la brasserie Derôme qui fusionneront en 1910. Cette brasserie cessera son activité en 1930.
- La brasserie Lagrue installée rue de Saulzoir, fusionne avec la brasserie Lestoille et devient brasserie "Lagrue, Lestoille et Cie", c'est la brasserie la plus importante d'Haspres, elle cessera son activité après la seconde guerre mondiale pour devenir dépôt de la brasserie Dubois - Vaast de Denain. La brasserie Lagrue et Cie, s'installe après la grande guerre 14-18 dans l'ancienne ferme Bricout.
Aout 1914 la guerre éclate. L'armée Allemande envahie le Nord et s'installe à Haspres. Les cuves de cuivre des brasseries sont réquisitionnées pour servir à la fabrication d'obus. De nombreux foyers vont s'improviser brasseurs en fabriquant leur propre bière dite "bière bouleuse". On faisait bouillir de l'eau dans un bouleuse (lessiveuse réservée à cet usage), à laquelle on ajoutait du houblon, de l'orge, parfois de la chicorée ainsi que de la levure. Une fois refroidit et après un temps de fermentation d'une demi journée on obtenait une excellente boisson.