En ce début d'année 1916, la guerre se cristallise. Tous les belligérants ont puisés dans leurs ressources humaines, matérielles et financières sans remporter de victoire décisive.
Depuis bientôt deux ans, beaucoup de soldats sont tombés au champ d'honneur. Il faut sans cesse combler les vides laissés dans les rangs, et par tous les moyens ! Les plus jeunes classes sont appelées par anticipation. Les hommes d'âge mur sont également rappelés. Mon arrière grand père Jules DECORNET, père de famille, est réincorporé comme brancardier à l'âge de 36 ans.
Sur le front Est, les Russes ont suffisamment reculés permettant aux Allemands de concentrer leur troupes sur le front Ouest. Nous allons voir dans cette article consacré à l'année 1916, comment l'état major allemand a décidé de porter un coup fatal à la France en attaquant à Verdun.
Au sommaire :
» La guerre d'usure
» 1916 à Haspres
» Verdun
» Les premiers tanks
» La bataille de la Somme
» Une nouvelle tactique
» Nouvelles des réfugiés
Depuis le début de la guerre, les Britanniques bloquent le ravitaillement maritime de l'Allemagne. La flotte Allemande tente à plusieurs reprises de rompre ce blocus avec ses fameux U-BOOT, de nombreux navires alliés sont alors coulés. En 1916, l'Angleterre décide de durcir le blocus, cette mesure va bien evidemment avoir des conséquences sur les populations sous le joug de l'occupation.
En Belgique, les combats continuent à Bischoote, Boesinghe, Dixmude, Fromelles, Nieport, Pesschendaele, Ypres, etc...
A partir du mois de janvier 1916, les hommes agés de 18 à 45 ans dans la zone occupée doivent porter un brassard rouge au bras gauche. Ces hommes sont considérés comme prisonniers de guerre et sont astreint aux travaux obligatoires.
Le 22 janvier 1916, pour assurer le ravitaillement du comité américain, l'autorité allemande réquisitionne les chevaux des cultivateurs de la commune (Caullet-Dupont, Taisne Alfred, Mutte Havet, Léon Taisne, Cornu). Les interessés demandent à être rémunérés pour ce service. Le conseil municipal après délibération, décide que tous les chevaux seront réquisitionnés à tour de rôle pour assurer le transport gratuit des denrées alimentaires et indique dans son compte rendu que l'heure n'est pas à la prodigalité, mais bien à la défense de la patrie.
Les populations des communes situées en zone de front sont évacuées de force vers les lignes arrières. Haspres reçoit régulièrement des refugiés dépourvus de toutes ressources. Certains sont malades et ne peuvent se soigner. La commune est chargée par la commendanture d'établir rapidement la liste de ses réfugiés (Nom, Prénom, Age, Ses et commune d'origine). Bien souvent ces malheureux sont incorporés par les Allemands dans des colonnes de travailleurs. Les malades peuvent être soignés au compte de l'assistance médicale gratuite.
De maigres ressources leurs sont accordées. Le 23 mars 1916, la commission de contrôle décide de modifier le montant du secours accordé aux évacués. Lorsque dans une famille, il n'y a qu'une personne adulte, lui accorder 1.21 par jours, 0.50 par enfant de moins de 16 ans à sa charge. Lorsque la famille se compose de plusieurs adultes, continuer à accorder à chaque adulte, 1 franc par jour et 0.50 par enfant. Cette mesure devra être appliquée pour le prochain paiement.
Dans les archives, nous trouvons cette lettre datée du 13 mars 1916 : Les soussignées, évacuées d'Angres et de Lens à Haspres, femmes de mobilisés, ont l'honneur d'attirer la bien veillante attention de Monsieur le Sous Prefet de Valenciennes, sur la triste situation qui leur est faite par suite de la réduction de leur allocation journalière. La rareté des vivres et leurs prix excessifs, notamment des pommes de terres les mettent dans l'impossibilité de pouvoir vivre et espèrent que leurs cas ser étudié avec tout le mérite qu'ils importe. Ils adressent à Monsieur le Sous Prefet de Valenciennes avec leurs remerciements anticipés, l'assurance de leurs meilleus sentiments. Ont signées cette lettre : Fréville Marie - femme Lherbier, Elise Hourdequin - femme Neuville, Petit Josephine - femme Biermeux, Marthe Delannoy - femme Lefebvre, Louis Galland - femme Copet, Florme Petit - femme Laurent, Marie Laurent - femme Coquerelle, Marie Pronnier - femme Clément, Mathilde Lasante - femme Lambert, Rachel Himbout - femme Decoupigny, Juliette Eluecque - femme Houillier, Louise Delanoy - femme Pruets, Berthe Mercier - femme Gautier, Philipinne Decoupigny - femme Vasseur, MarieDuriez - femme Louart, Lydie Leclerc - femme Deleury Désiré, Elise Decoupigny - femme Pau, Angèle ???? - femme Soirant, Leoncy Carrion - femme Bouchart, Elise Muchembled - femme Savary, Helene Verièpe - femme Six, Henriette Caron - femme Galland, Victoire Devacelle - femme Coumier, Irma Bruneel - femme Defoort, Blanche Bruneel, Marie Fonchart - femme Millon, Clémentine Dambriry - femme Mayeur.
Nous trouvons également en date du 12 mars 1916, une réclamation au sujet de son allocation de l'épouse Malnuit Charles (maréchal des logis au 9° Dragon en garnison à Eperney avant la guerre), évacuée d'Angres à Lens puis de Lens à Haspres.
Au fil de l'occupation, les villages du Nord de la France deviennent des lieux de casernement pour les troupes et le matériel de guerre.
Le 1 avril 1916, dans certaines communes et notamment à Avesnes le Sec, une indemnité est accordée au logement des troupes. Deux colonnes logent dans la commune depuis cinq mois, des frais inévitables sont occasionnés quotidiennement aux habitants qui logent ces troupes, par le chauffage, l'éclairage, le lavage et l'usure du linge. Le conseil municipal décide
d'accorder pour le logement des troupes une indemnité établie sur les bases suivantes :
- 0,10 francs, pour chaque homme couché sur la paille
- 0,15 francs, pour chaque homme couché sur un matelas
- 0,20 francs, pour un homme couché dans un lit sans drap
- 0,25 francs, pour deux hommes couchés dans un lit sans drap
- 0,40 francs, pour un homme couché dans un lit avec drap
- 0,50 francs, pour deux hommes couchés dans un lit avec drap.
Dans ce contexte de privation, la fraude et le marché noir s'installent. L'abscence de commissaire de police spécial des chemins de fer, d'inspecteur des halles, foires et marché, accentue ce phénomène. Le 15 mars 1916, suite aux incidents récents, qui ont démontré l'existence à Haspres de nombreuses fraudes sur les denrées alimentaires, le conseil municipal nomme trois agents spéciaux : Mr Boucly - contrôleur des contribution indirectes à Valenciennes, Mr Girombert - directeur de l'octroi de Valenciennes, Mr Collot - commissaire de police à Douai.
Le 15 avril 1916, la qualité du pain laisse à désirer depuis quelques temps, le conseil municipal décide que les boulangers devront fournir exclusivement des pains de 1,417 kilos et exige le poids demandé, ainsi qu'une cuisson irréprochable.
Des brochures intitulées "Principes et recettes alimentaires" sont distribuées dans les communes de la région. Elles prodiguent des conseils sur la valeur nutritive des aliments afin de réaliser des menus de guerre.
Les légumes deviennent introuvables. Le prix des oeufs et la viande atteind des sommets. Toutes les maisons doivent afficher des listes de tous les biens matériels qu'elles contiennent.
Le 6 juillet 1916, la commune est frappée d'une contribution de 166.045 francs.
Le 11 août 1916, le commandant PRIESS, rappelle que le troisième versement de la contribution de guerre doit être effectué pour le premier septembre. Les préparatifs nécessaires doivent être fait immédiatement. Dans le cas où l'obligation ne serait pas remplie, chaque commune sera punie de peine élevées.
Le 12 aout 1916, le conseil municipal, décide que la récolte de la cameline (plante oléagineuse) sera arrachée par l'équipe des chômeurs et rentrée chaque jour dans la cour de l'école par les petits cultivateurs non astreints aux corvées de ravitaillement. La cameline sera vendue à la botte aux habitants et à bon marché.
Depuis le début de l'occupation les communes sont obligées de se substituer à l'état dans nombre de cas de dépense : versement des allocations à des veuves de fonctionnaires, allocation des secours aux titulaires de livrets de la caisse nationale des retraites pour la vieillesse, allocation chômage. Une ciruclaire du 20 septembre 1916, demande la création d'un service capable de recevoir provisoirement les réclamations des interessés, afin de constituer un dossier de suivi et leur permettre le versement trimestriel le montant de leur pension ou retraite.
Le 28 décembre 1916, une lettre signée de l'ensemble des agriculteurs de la commune est adressée au Major de l'Etape de Denain. Celle-ci, indique que depuis le 12 octobre 1916, les agriculteurs ne sont plus payés des livraisons de lait, beurre et oeufs faites à la commandanture ainsi qu'au Lazareth.
L'état major franco-britannique envisage de porter une attaque simultanée courant de l'été 1916 afin de rompre le front sur la Somme. Côté allemand, Falkenhayn, n'attends pas, il décide d'attaquer le premier et à Verdun.
Verdun est un tout autre terrain que le plat pays Flandrien. Verdun est entouré de collines et de crêtes surplombées par des forteresses. Chaque fort étant relié par un véritable réseau de tranchées et de fils de fer barbelés.
La bataille débute le 21 février 1916 par un violent tir d'artillerie. Aucun endroit au monde ne reçoit autant d'obus au mètre carré. L'infanterie allemande entre aussitôt en action.
Le 25 février, le fort de Douaumont, laissé sans garnison est pris par une patrouille allemande. C'est un coup terrible pour les français. Pétain prend alors la direction des opérations, une seule consigne Ils ne passeront pas !.
Fin février des milliers de camions empruntent la Voie Sacrée afin d'acheminer sans discontinuer du matériel et troupe de l'arrière. Des combats acharnés ont lieu à Douaumont, au bois des corbeaux, le bois de la Caillette, au fort de Vaux, au fort de Fleury, la côte 304, etc..
Spectacle suréaliste, le sol de Verdun est labouré, raboté, creusé, jonché de débris, de membre humain. Les arbres sont déchiquetés. Le paysage de Verdun n'est plus qu'immense désolation de la bétise humaine.
Au prix de lourde perte, les français tiennent bon. Falkenhayn se résout à suspendre l'offensive le 11 juillet. Les combats vont maintenant se transporter sur la Somme.
L'offensive allemande se termine début septembre 1916. En octobre, les français reprennent Douaumont, puis le fort de Vaux le 2 novembre. Le 15 décembre, les français lancent une nouvelle offensive qui fait enfin reculer les allemands.
Presque toutes les familles ont un ancêtre qui a fait Verdun. Rendons hommage à quelques soldats haspriens présent à cette terrible bataille :
Charles Lamand est né à Haspres le 30/07/1889, fils d'Augustin et Césarine Gilliot. Le 02/08/1914, il est incorporé au 347° RI. Le 09/09/1915, il est cité à l'ordre de son régiment Au cours d'une patrouille de nuit, son chef ayant été tué à ses côtés aux pieds des réseaux de fils de fer ennemis, a ramené son corps dans les lignes sans se soucier d'une fusillade ennemie, ni des fusées qui décelaient sa marche. Le 08/06/1916 il est blessé devant Douamont : contusions multiples consécutives d'un ensevelissement par éclatement d'obus de gros calibre. Le 24/09/1917, il est de nouveau blessé à Verdun. Le 09/01/1918, il est une nouvelle fois cité à l'ordre du régiment Soldat brave et courageux, a participé à de nombreux combats, se conduisant toujours d'une façon exemplaire, a été blessé aux attaques de Champagne. Il est nommé soldat de 1° classe le 13/04/1918. De nouveau blessé le 27/09/1918 par balle à la ferme Navarre. Il reçoit la croix de guerre avec 2 étoiles de bronze ainsi que la médaille militaire.
A Haspres, pendant toute la durée de la bataille, il est interdit de parler aux allemands des affaires de Verdun. Le manque d'information mine cruellement le moral de la population.
Les chars anglais (tank) font leur apparition sur le champ de bataille. L'engin motorisé est doté d'un blindage et de deux mitrailleuses. L'accueil à cette nouvelle arme est toutefois mitigé. Les premiers modèles pèsent environ 14 tonnes pour une vitesse de 3 km/h. La fabrication du Mark 1 commence en juin 1916. Plus lourd et rapide que les prototype, il peut franchir les réseaux de tranchées. Début 1916, le colonel Estienne, obtient du ministère de la guerre une première commande de 400 chars.
Le champ de bataille de la Somme représente un front de 70 kilomètres de plateaux crayeux. L'offensive est confiée au Maréchal Foch, chargé de coordonner l'action franco-britannique.
Afin d'acheminer les troupes sur le champ de bataille, d'avril à juin, de nombreux travaux d'infrastructure sont effectués sur le réseau de chemin de fer. Les troupes britanniques composées d'Anglais, Australiens, Néo-Zélandais, Canadiens, se regroupent aux nord de la Somme.
A partir du 24 juin, des millions d'obus frappent les positions allemandes. Le 1° juillet, les fantassins britanniques progressent dans le no man's land en direction des tranchées ennemies. Rapidement, les mitrailleuses allemandes entrent en action, fauchant des milliers d'hommes.
Le 5 juillet, plusieurs villages sont reconquis au prix de lourdes pertes. Une seconde offensive d'envergure est lancée le 14 juillet. A la mi-septembre les premiers chars d'assaut font leurs apparition. Ceux ci n'ont qu'un effet moral, car ils se révèlent rapidement inefficace de par le peu de maniabilié qu'ils offrent sur le terrain.
Au mois d'octobre, la bataille de la Somme s'ensile, sans qu'aucune rupture du front ne soit réalisée. L'offensive est abandonnée le 18 novembre 1916.
L'automne 1916, marque le début du repli de l'armée allemande. Après les éprouvantes batailles de Verdun et de la Somme, l'Etat Major adopte la tactique de la bataille défensive dans la guerre de position. Le gros des forces allemandes est alors concentré sur un front réduit, celui de l'Aisne. Le décision dédifier une nouvelle ligne de défense est alors adoptée. Cette ligne Siegfried ou Hidenburg pour les alliés, est établie en arrière du front existant. Elle est constituée d'un système de zones fortifiées reliées entre elles par des cordons défensifs.
Edition du 22/01/1916 - Rosalie Delmotte, 29 ans et Denise Delmotte, 6 ans toutes deux réfugiées à Montauban.(source : gallica - Journal des refugiés du Nord)
Edition du 01/07/1916 - Numa Perliez, soldat en bonne santé, serait heureux d'avoir des nouvelles de sa famille et amis.
Edition du 30/09/1916 - François Morelle, rue de la Vigne à Paris et Henri Cacheux, rue du Marais à Paris.(source : gallica - Journal des refugiés du Nord)
Fin 1916, on compte 252.000 morts côté Français.